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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
23 février 2023

Panic sur Florida Beach (Matinee) de Joe Dante - 1993

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Hommage intime au cinéma de série B qui a bercé son enfance, comédie de divertissement pop-corn, et aussi satire ricanante de la société ricaine, Matinee est une petite chose ma foi sympathique, mais qui se heurte à l'écueil habituel de Joe Dante : le schématisme, le premier degré, la lourdeur dans le discours. C'est très noble de sa part que de vouloir ainsi réhabiliter le cinéma bis de son jeune âge, celui des films d'épouvante à la con ; et ça fonctionne d'ailleurs plutôt bien. On sent la patte autobiographique qu'il met dans son personnage principal, jeune mec qui compense l'absence de son père militaire par la passion du cinéma d'horreur. Les plus belles scènes du film sont celles où on voit cet ado ouvrir de grands yeux fascinés devant les petits trucs techniques destinés à déclencher la peur, où on le voit compulser ses magazines méchamment pointus pour retrouver le nom d'un sombre acteur, et surtout où on le voit plein de questionnements face à l’ambiguïté des sentiments qu'il ressent au cinéma : pourquoi aimer se faire peur, alors qu'on refuse la réalité horrible de la vie ? Qu'est-ce qui fait qu'on croit ce qui se passe sur l'écran ? Où s'arrête le cinéma,où commence la réalité ? Cette passion pour le cinéma va de paire avec une découverte du sentiment amoureux, et c'est plutôt bien vu, ce cheminement vers la maturité qui passe par une fidélité inconditionnelle à ses passions.

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Le modèle du jeune homme, ça va être une sorte de réalisateur-producteur à la Ed Wood ou à la William Castle, qu'on pense être, dans les premières minutes, un ringard fini doublé d'un vénal homme d'affaire véreux, et qui va se révéler être un fournisseur de rêves plein d'esprit et d'imagination. Son but : terroriser son public, par tous les moyens possibles. Là aussi, le film est attachant quand il décrit les efforts de ce grand garçon (c'est John Goodman qui joue le rôle, et s'il est peu convaincant, il faut reconnaître que son physique de vieux poupon joue en sa faveur) pour inventer des trucs terrifiants, sièges qui tremblent, effets de fumée, acteurs déguisés en monstres, écran qui se déchire... C'est le plus bel hommage que l'on puisse rendre au cinéma : Goodman occulte la réalité, ne veut même pas la voir, pourvu que ses ados bondissent dans leurs sièges, consomment du pop-corn et veuillent voir le film une deuxième fois. Du coup, il devient lui-même une sorte de monstre inconscient, puisque tout ça se déroule dans un contexte grave (la crise de Cuba, la hantise de la bombe nucléaire) que le producteur va utiliser pour augmenter la peur de son public. Très beau plan que celui où le film projeté ("L'Homme-Fourmi") s'enraye pour laisser apparaître le champignon atomique, comme si la réalité vampirisait la fiction... jusqu'à ce qu'on se rende compte que ça aussi était un effet cinématographique. Dante affiche une confiance sans nuance envers le cinéma, quitte à le préférer à la réalité.

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C'est malheureusement dans sa partie justement politique que le film s'emmêle les pinceaux, par trop de simplisme. La peur du nucléaire donne lieu à quelques séquences vraiment trop naïves, et à des personnages caricaturaux : la jeune fille coco, issue d'une famille d'intellos de gauche, qui se révolte contre le lavage de cerveau, ou le directeur de cinéma phobique sont bien trop cartoonesques pour être vraiment attachants. De même, le petit discours sur les ligues de vertu corrompues par le système s'avère bien léger. On sait que Dante est un pseudo-punk, et qu'il ne s'embarrasse jamais trop de finesse dans son abord de la chose publique (cf Gremlins ou le grand Homecoming) ; bien lui en prend, d'ailleurs ; mais ici ça ne marche pas, sûrement parce qu'un tel sujet appelait un peu moins de potacheries pour un peu plus de sensibilité et de subtilité. Il y a en plus de sévères baisses de rythme, un montage souvent à la truelle et une direction d'acteurs hasardeuse : ce n'est vraiment pas un grand film, quoi, même si, encore une fois, il a le charme de ces œuvres à la première personne, une vraie atmosphère nostalgique qui touche à plein d'endroits. A voir, indéniablement, comme un divertissement de bonne tenue, d'ailleurs très réussi dans sa reconstitution d'un certain âge d'or du cinéma (le film dans le film est parfaitement crédible) ; pour le fond, une petite œuvre de Dante. (Gols 11/06/11)

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On le connaît, le Joe Dante, c'est jamais le dernier pour nous offrir du spectacle tout en tentant en sous-main de faire quelques petites réflexions mutines sur ces Etat-Unis si frippons... Le problème, c'est qu'à trop vouloir parfois embrasser, on le sait, on étreint mal... Et c'est bien là, surtout, dans cette oeuvre explosive et ambitieuse, que le bât blesse. Il y avait pourtant dès le départ suffisamment de matière pour régaler son spectateur : John Goodman, réalisateur de série Z proche de la faillite, veut charmer son auditoire avec son nouveau système Atomico trucmuche censé dynamiter les sensations de ses films d'horreur (sièges vibrants, effets pyrotechniques dans la salle, tremblement de terre : du cinéma en 12 D avant l'heure). Alors même que la crise des missiles bat son plein, que la paranoia des spectateurs petits et grands est à son max, il n'y a pas de mal pour sa petite société du spectacle à tirer profit de cette peur qui n'attend qu'une étincelle pour se libérer. De ce point de vue-là, disons-le tout de go, le film est assez bien vu : une petite base américaine desertée par les hommes partis en mission à Cuba, un John Goodman ventripotent qui s'amuse comme un petit fou avec son film (Mant... un mélange d'homme et de fourmi hihi) et ses effets spéciaux artisanaux, une bande de gamins pré-pubères qui, dans ce contexte historique tendu, impatients qu'ils sont d'éprouver les premiers grands frissons de leur vie que promet le film, ne demande qu'à en prendre plein les mirettes - ils veulent du spectacle, ils en auront...

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Foutre un bordel sans nom dans la salle (les gamins, on le sait, sont pires que des gremlins, et on sera gâté au niveau des interactions entre le film et les spectateurs : spectacle total) alors même que les adultes foutent un bordel sans nom sur la planète, c'est assez malin en soi... Seulement, seulement, Dante, tel un missile atomique fou, part dans toutes les directions et ne cesse de rajouter des couches et des couches à ce fil rouge qui se suffisait amplement : des gamins qui veulent connaître la prime amourette, un ado jaloux (en costume de fourmi) qui pète les plombs, un abri atomique qui devient un cocon pour un couple d'ados, un exploitant de salle qui se frotte les mains devant les réactions hallucinées des spectateurs, un film d'horreur projeté sur l'écran qui part grave en quenouille... Joe Dante allume toutes ses fusées à la fois, et tous les récits, à force de s'imbriquer les uns dans les autres, de mélanger qui plus est les genres (guerre, horreur, romance, comédie grotesque, action...), finissent malheureusement par s'affaiblir les uns les autres... Matière il y a mais on sent que Dante ne peut s'empêcher de vouloir en faire trop, de dynamiter finalement lui-même ses bonnes idées de fond... En l'état, et au final, un projet intéressant dans le genre mais un peu trop foutraque au niveau des mélanges des genres, justement, pour nous laisser véritablement sur le cul. (Shang 23/02/23)

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Commentaires
H
Joe Dante ne s’est jamais signalé par sa délicatesse de touche (contrairement, en quelques occasions, à son contemporain John Landis). On dira qu’il fait délibérément dans le grotesque, mais justement : pour réussir dans ce registre, il faut une grande sûreté de goût et/ou d’exécution, comme chez le Lubitsch de la période allemande ou dans ‘Phantom of the Paradise’ de Brian De Palma (pour ne prendre que les deux premiers exemples qui me viennent à l’esprit), qualités qui manquent de façon chronique au réalisateur (par ailleurs estimable) de ‘Gremlins’. C’est tout particulièrement vrai de ce ‘Panique à Florida Beach’, à l’égard duquel je fus aussi dubitatif que Shang et Gols (je l’ai vu en salle à sa sortie et me rappelle avoir eu l’impression que, malgré la débauche d’idées et d’énergie qui s’y déployaient, je commençais à l’oublier irrémédiablement à peine était-il terminé, comme le premier blockbuster venu) ; ce serait encore plus le cas, cinq ans plus tard, de ‘The Second Civil War’, malgré tout le ramdam entretenu à l’époque par les Cahiers du cinéma pour nous faire croire qu’il s’agissait d’un « grand cinéaste politique » — on était quand même très loin du compte.
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