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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
11 juin 2011

Le Violent (In a lonely Place) (1950) de Nicholas Ray

11_10_05

On a beau penser, après avoir vu Suspicion, qu'on ne pourra jamais faire mieux, à partir du même scénario, que le grand maître hitchcockien, et puis on tombe par hasard (...enfin, par hasard...) sur ce film de Nicholas Ray absolument extraordinaire... A quoi tient la soudaine magie d'un film, c'est bien toujours la même question qu'on se pose sans avoir de réponses autre que simplistes : la fabuleuse alchimie entre Humphrey Bogart (égal à lui-même) et la classieuse Gloria Grahame (rarement de faible pour les blondes mais là, elle m'a franchement bluffé), leur jeu totalement à la coule et une mise en scène qui semble toujours aller de soi, la partition musicale dont les grandes nappes romantiques prennent soudain des reflets sombres (Shang, critique musical dans une autre vie... à venir alors), le scénar qui sait faire doucement monter la tension...? Et puis sûrement encore trois mille autres trucs pour que l'on soit autant charmé par cette péloche qui vous coupe le sifflet.

Annex___Bogart__Humphrey__In_a_Lonely_Place__NRFPT_03

Bogart est un scénariste un peu à la ramasse qu'il ne faut pas venir chercher (a le coup de poing facile, comme on dit) et qui n'hésite pas à inviter des donzelles chez lui pour qu'elles lui fassent le résumé d'un bouquin qu'il n'a pas envie de lire ni d'adapter d'ailleurs... On pense que le Humphrey, rapidement las d'entendre des sornettes, n'a qu'une envie, celle d'étendre dans son lit la jeune femme. Ben même po. Le bougre semble surtout motivé pour rester seul et rien foutre, et il renvoie gentiment la donzelle en lui payant le taxi. Ah, that's all ?... Ouais. Pas de bol pour notre Bogie, au petit matin, on retrouve la donzelle au fond d'un ravin. Mince. Il se prête à l'interrogatoire de la police avec un flegme bogartique et ses propos sont immédiatement corroborés par sa sublime nouvelle voisine (ah Gloria !) - elle les a vus se séparer tranquillement en fin de soirée - qui en profite tout de même au passage pour lui faire un peu du rentre-dedans - "I like your face" (on me l'a jamais fait, moi, ça...). Il n'en faut pas plus pour mettre le Bogie en chasse et en deux temps trois mouvements il conquiert la belle Gloria, l'installe chez lui et se remet à écrire. Efficace et d'une simplicité totale... Seulement bon, les flics continuent à titiller notre Bogart dans cette affaire de meurtre, d'autant qu'il a des antécédents qui ne jouent pas en sa faveur : bagarres sur ou en dehors des plateaux, violence commise auparavant sur une femme (lui a tout de même pété le nez, c'est pas rien)... Notre Gloria assiste elle-même, glacée, à l'une de ses crises de colère - Bogart est à deux doigts de fracasser un pauvre type avec lequel il vient d'avoir un accrochage en bagnole... Gloria commence à se dire que... Et puis en plus on a toujours pas mis la main sur le coupable... Ce qui est terrible avec le doute, c'est qu'une fois qu'il s'immisce dans un petit coin du cerveau, il ne peut que s'étendre à l'ensemble des cellules : c'est affreux, le doute.

Annex___Grahame__Gloria__In_a_Lonely_Place__01

Ce qu'il y a de proprement génial c'est qu'au départ, on sait pertinemment que le gars Bogart, malgré ses réactions un peu vives parfois, n'a absolument rien à voir avec le meurtre de la donzelle - s'en fout royalement de tout, voilà... Il y a cette histoire d'amour qui lui tombe dessus comme par miracle et on se prend à aimer en deux secondes ce petit couple qui s'aime avec un naturel confondant, et... Bah, c'est vrai que le Bogie a de l'imagination - il est scénariste après tout - et que lorsqu'il conte au détective la façon dont d'après lui s'est déroulé le meurtre, l'enfoiré se montre bougrement convaincant - son visage se retrouve d'ailleurs subitement éclairée par une étrange barre lumineuse comme si la folie chez lui n'était jamais loin... Rah et puis nan, on le connaît le Bogie, depuis tout petit, ouais c'est un cogneur, un peu irrascible c'est vrai parfois, on pourrait citer vingt films où il pète un câble, ok, mais un meurtrier, non jamais... Enfin cela dit, il cache peut-être super bien son jeu... Rah et c'est parti, on se retrouve comme la chtite Gloria à se mettre à le suspecter et après ça, impossible de faire machine arrière. C'est trop bête, on se dit, ce couple est franchement adorable, il ne peut pas bêtement foirer à cause d'un doute qui tient à rien... Bogart, tout amoureux, est, qui plus est, comme un gamin et n'hésite pas à précipiter un peu les choses : eh ben ouais, ils vont se marier, et partir en lune de miel, et ce sera pour la vie... Hep hep hep, t'emballes pas mon fils... Pasque la Gloria est, elle, de plus en plus nerveuse, et plus elle cache ses sentiments, plus le Boggie pourrait à son tour devenir nerveux... et colérique... et violent, c'est le titre putain quand même... Il faut qu'elle parte avant que l'irréparable arrive... sauf si Boggie capte sa fuite... il risque aussi de devenir violent... C'est affreux, on a mal pour elle, on a mal pour lui, on mal pour eux et on fait de moins en moins le fier devant son écran. Le film nous avait jusque là cueillis, le final nous laisse en compote... Et cette petite phrase, que susurre la belle Gloria, qui était normalement uniquement prévue pour le scénar que Bogart écrivait... Raaah, la vie est vraiment trop injuste, mais cette oeuvre est, elle, absolument parfaite : un "délicieux petit film romantique" qui se révèle d'un noir terrible. Well done Ray.   (Shang - 03/12/10)

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Un bien beau film effectivement, et qui montre une fois de plus que Ray est aussi bien un bon directeur de film de genre et un fin psychologue quand il s'agit de décrire des personnages complexes. Mon camarade, fidèle à sa passion du film noir, a décrit avec précision la trame policière de la chose ; selon moi, elle est secondaire : In a lonely Place est avant tout un film sur le couple, sur l'amour, sur la difficulté de comprendre un autre être humain, et sur l'irrémédiable échec de l'amour. Ray habille ça d'une atmosphère trouble et polardesque, mais, comme chez Hitch d'ailleurs, l'énigme (qui a tué la jeune pucelle ?) compte pour du flan. En fait, cette histoire pourrait se résumer par une formule : "Peu importe ce que l'homme que tu aimes a fait par le passé ; ce qui compte, c'est ce qu'il pourrait TE faire...". La trame est en fait une longue découverte, un chemin initiatique opéré par Gloria à la découverte de cet homme complexe et évidemment dérangé : découvrir le mystère de l'Amour, finalement, découvrir pourquoi on est attiré par tel ou tel être, voilà le suspense du film. Et c'est bien sûr une erreur d'aborder le couple de cette manière : en fouillant profondément, on trouve des choses pas belles. Gloria va s'en brûler les doigts, et cette dernière phrase, effectivement sublime, va résumer à elle seule tout le film.

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C'est très habilement raconté : le couple hyper-photogénique, qui respire l'harmonie, va se briser à cause de la trop insistante introspection que pratique Gloria. Là où je ne suis pas d'acord avec mon gars Shang, c'est que jamais on n'inocente vraiment Bogart du meurtre initial, et c'est justement là qu'est la grandeur du personnage : on le sent borderline, et le danger fait justement partie de son charme. Gloria est de toute évidence attirée aussi bien par la face sombre que par la face lumineuse de son Boggie. Dommage que Bogart (deuxième désaccord avec Shang) ait du mal à rendre toute l'ambiguité de son personnage : habitué aux personnages virils et actifs, il a un peu de mal à exprimer aussi bien le bonheur d'aimer que les brusques décrochages vers la violence qui l'assaillent (j'aurais bien vu Ray Milland dans le rôle, moi...) Ceci dit, la prise de risque de l'acteur est grande, et ce final est franchement étonnant compte tenu de sa carrière. Par contre, je célèbre en même temps que Shang la grandeur de Gloria Grahame, une explosion de subtilité et de glamour à la fois, un mélange de désabusement propre aux poules des films noirs et de romantisme à la Sirk, grande grande présence, vraiment un coup de foudre. La musique m'a semblé parfois un peu redondante pour ma part, et la mise en cène de Ray, élégante, n'est pas aussi inventive que celle de Hitch sur un sujet proche ; mais baste : me voilà moi aussi satisfait par ce classique grande école.   (Gols - 11/06/11)

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