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18 mai 2011

Sadie Thompson de Raoul Walsh - 1928

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Un petit muet qui ne révolutionnera peut-être pas le cinéma, mais qui reste ma foi bien agréable, surtout grâce à la présence plus que charismatique de Gloria Swanson. Le pari du film, et qui n’est qu’en partie réussi, c’est d’adapter un roman de Somerset Maugham, réputé pour ses dialogues et ses finesses de caractère plus que pour ses scènes d’action. Comment traduire visuellement ce style sur-littéraire, c’est le challenge, et Walsh se heurte très souvent aux « limites » du muet : trop d’intertitres, trop de scènes de champ/contre-champ sans intérêt, et un final complètement improbable (certes, il manque les dernières bobines, mais ce qui apparaît du scénario d’origine est incompréhensible psychologiquement). C’est une histoire de rédemption… ou pas, qui s’opère à travers le personnage de Sadie Thompson (Swanson), fêtarde invétérée, croqueuse d’hommes, qui vient traîner son sourire carnassier à Pago-Pago, fuyant un passé louche ; elle y rencontre à la fois l’Homme dans toute sa splendeur, viril, militaire et bégueule (Walsh lui-même, dans une composition vraiment amusante), et son opposé, un intégriste catholique qui la prend immédiatement pour Satan réincarné (le très grand Lionel Barrymore, tout en poses offusquées et en anathèmes tonitruants). Elle s’éprend du premier, mais va subir la pression du second, qui va peu à peu la transformer en brebis mortifiée priant jour et nuit pour son salut. Ca se complique, bien sûr, quand le bigot va peu à peu subir le charme vénéneux de la belle. Pas de douche ni de portable oublié dans les hôtels à l’époque, mais sinon c’est un peu pareil.

 

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Walsh n’est pas encore très en place dans la mise en scène. A part quelques discrètes idées (comme cette ellipse lors de la nuit de la Faute, représentée simplement par la pluie qui bat le toit de la chambre de Sadie), on est dans le fonctionnel pur. On peut noter quand même que la caméra n’est pas malhabile pour donner de l’énergie aux scènes du début : les fêtes organisées par Sadie, avec ce capitaine qui ne parvient pas à quitter la maison à cause d’une porte à tourniquet, ou les disputes entre Swanson et Barrymore, sont finement montées pour en décupler la drôlerie ou la tension. Le film passe avec mesure des scènes lumineuses du début au mélodrame pur, et si Walsh ne fait pas montre d’une quelconque virtuosité, il n’est pas absent non plus dans la construction d’ensemble de son film. De toute façon, il compense le manque d’idées visuelles et l’enfermement de son scénario par une direction d’acteurs épatante. Gloria Swanson éclate littéralement à l’écran, avec son jeu très moderne qui ne ressemble en rien à celui de ses consoeurs de l’époque : son personnage est crédible, et ses mimiques sans cesse surprenantes rajoutent encore à la véracité de cette Sadie. Elle est capable de changer d’expression en quelques fractions de secondes, passant d’une posture un peu garçonne à une féminité exacerbée, de la beauté pure au comique, n’hésitant jamais à se « moquer d’elle-même » avec son jeu alliant élégance et anti-glamour. Elle est sublime, et Walsh la regarde amoureusement, que ce soit comme acteur ou comme metteur en scène. Barrymore, quant à lui, est son exact pendant, sombre, tourmenté, terrifiant ; le couple, du coup, fonctionne presque comme dans le cinéma expressionniste allemand (qui est aussi convoqué dans certains plans tout en contrastes lors des scènes de confrontation), dans un aller-retour constant entre les contraires, qui s’attirent et se heurtent sans arrêt. Pas si loin, finalement, des grandes scènes de Nosferatu de Murnau, ou sexe et culpabilité jouent côte à côte. Walsh manque encore de l’assurance qui lui permettrait de vraiment doper ces débuts d’idées, mais son film comporte sa dose d’intérêt, et on est plutôt satisfait de la chose.

 

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Walsh et gros mythe : cliquez

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