LIVRE : Alors Carcasse de Mariette Navarro - 2011
Premier livre de la jeune Mariette Navarro, et une indéniable patte personnelle qui rend ce texte étrange, souvent très beau, en tout cas d’une belle complexité. Comme l’indique Siméon en quatrième de couverture, c’est sûrement vers Michaux qu’il faut chercher les références de la dame : comme Plume, Carcasse est un petit personnage inadapté et terrassé par le monde. Tout le « roman » tient en un seul instant : Carcasse est au seuil du monde, prêt à s’élancer, mais ce pas ultime ne vient pas. Navarro excelle à montrer la fragilité de son personnage (et d’elle-même, on ne nous la fait pas… et de nous, donc) face à l’exigence du monde : description touchante et précise des postures physiques, vocabulaire simple mais agencé de façon sophistiqué pour décrire l’effroi de se lancer, humour beckettien dans cette sorte de flot de mots qui retarde sans arrêt l’acte… C’est finalement plus un long poème qu’un récit qu’on a là, un poème tortueux et savamment pesé, qui manque peut-être encore un peu de la fulgurance recherchée, mais qui montre une plume déjà très en place, un souci évident de construction, un travail énorme dans le soupesage des rythmes et des mots. En-dehors de tout, et profondément dans la vie, joli premier essai.