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26 mars 2011

Le Fil blanc de la Cascade (Taki no Shirato) (1933) de Kenji Mizoguchi

 WATER_MAGICIAN

Il y a déjà en germe dans ce très beau de film de Mizoguchi toute la tragédie dont peut se parer le destin d'une femme : une femme non seulement prête à se sacrifier par amour mais aussi victime, chemin faisant, de la violence des hommes. Film muet mais narré par un conteur (un "benshi" qu'on dit) - je viens de mettre la main sur toute une collection nippone de ces "talking silents", vous allez jouir -, un genre hybride qui permet, certes, d'expliciter clairement le récit (on ne va pas s'en plaindre) mais qui peut aussi parfois, pour être tout a fait franc, venir un peu gâcher la force et la beauté intrinsèque de certaines séquences. On découvre donc la vie d'une "magicienne d'eau", une artiste itinérante qui va se prendre de passion pour un jeune homme dont elle va décider de payer les études. Après de multiples aventures, les deux jeunes gens finiront par se retrouver face à face (lui en tant que juge, elle en tant que coupable d'un meurtre), un drôle d'endroit pour des retrouvailles dont l'issue sera... forcement tragique - Mizoguchi rimant généralement guère avec happy end, faut bien l'avouer...

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Si l'histoire démarre en fanfare avec un spectacle de toute beauté (bien jolies ses petites fontaines avec lesquelles notre héroïne, Taki no Shirato, jongle avec art) et une pointe de romantisme (un cocher qui a la suite d'un accident de carriole emporte la Belle sur son cheval : l’émotion est tellement forte - et la fatigue aussi, un peu - qu'elle s'en évanouie) mais qui par la suite nous donnera également son lot de drames... Taki retrouve par hasard le jeune homme, un soir, dormant sur un pont, le prend sous son aile et décide de l'envoyer à Tokyo pour qu'ils poursuivent ses études de droit... Tout ce qu'elle lui demande, en retour, c'est de l'aimer - si c'est pas mignon. Chaque mois, tant que son succès est florissant, elle lui envoie donc de petites sommes. Seulement la bougresse, qui a la main sur le coeur (un vrai panier percé dès qu'elle est confrontée aux malheurs des autres), va finir par se retrouver sans un rond en poche. Elle refuse une première fois de se prostituer (son art est a vendre, point son corps, dit-elle philosophiquement) mais va finir par craquer pour subvenir aux besoins du jeune homme qu'elle n'a pourtant point revu au cours de ces deux dernières années. En échange d'une rondelette somme, elle décide de se vendre à un ignoble prêteur sur gage: ce n'est que le début de ses malheurs. A peine sortie de chez lui, elle se fait attaquer par six hommes - dont un lanceur de couteau qu'elle avait pourtant aidé par le passé - qui la détroussent et l'assomment. Quand elle reprend conscience, elle retourne chez le prêteur qui avait tout manigancé, le fourbe, et ce dernier de vouloir à nouveau profiter d'elle - mais la Taki est au taquet et lui file un coup de couteau... Elle sera peu après rattrapée par la police et retrouvera dans des circonstances pour les moins inattendues son protégé, devenu juge. Mais la Belle préférerait mourir plutôt que de ternir l'image de celui à  qui elle a tout sacrifié...

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Mizoguchi nous gratifie tout du long de quelques mouvements de camera plutôt audacieux - une poignée de travellings latéraux et avant -, l'une des plus belles séquences étant sûrement celle ou l'on suit les traces de pas de Taki, après qu'elle a tenté de se suicider en sautant d'un train : ces traces nous mènent directement à l’intérieur d'une auberge dans laquelle elle trouve refuge. L'auberge est tenue par un jeune couple qu'elle a également secouru auparavant mais, malgré leur dévouement pour la cacher de la police, la pauvre Taki ne pourra échapper à son destin funeste. Le cinéaste, dans la dernière partie, alterne les gros plans sur notre héroïne, toute à sa joie malgré sa situation critique de revoir cet homme qu'elle a soutenu dans sa carrière, et sur ce dernier, forcément décontenancé de retrouver sa "promise" en ce lieu. La femme mizoguchienne semble toujours prête à aller au bout de ses sacrifices, la générosité et le dévouement prenant, d'une certaine façon, fatalement le pas sur son propre bonheur... Une passion tragique loin d’être cousue de fil blanc joliment narrée par un cinéaste qui semble avoir déjà trouvé ses marques aussi bien formellement (belle direction d'acteurs, d'ailleurs, toute en émotion) qu'au niveau thématique.

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