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24 mars 2011

Humiliés (Umiliati) de Jean-Marie Straub & Danièle Huillet - 2002

3635__filsVittorini semble décidément doper la mise en scène straubienne, puisque, après Ouvriers Paysans et Sicilia, cet auteur politique et minéral est à nouveau à l'origine d'un de leurs beaux films. Rien de très différent, cela dit, du cinéma habituel du couple infernal : la rigueur est de mise, l'installation janséniste, et la fête du slip remise aux calendes. Mais ce film-là a je ne sais quoi de plus lumineux, et pour tout dire de plus vivant que le reste de leur filmographie souvent chiante comme un jour sans pain. Par le sujet d'abord : on arrive à comprendre, malgré les sous-titres toujours aussi rares et sibyllins de Huillet, qu'il s'agit d'une communauté de paysans qui a décidé de s'approprier des terres après la guerre ; l'arrivée d'un émissaire de l'Etat pour les déloger déclenchera une dispute, puis un début de rébellion. Sujet engagé, donc, idéal pour les Straub en ce qu'il leur permet de parler d'un sujet qui leur tient à coeur : la notion de territoire, et le sort des paysans. Le texte est fort, simple, parfois très technique (le calcul des taxes sur l'eau), mais arrive à parler subtilement de choses amples, avec une rigueur et une précision de diction qui en décuplent le sens.

umiliati_02Cette parole politique prend place, comme toujours, dans une forêt ensoleillée, à travers des plans fixes d'un formalisme confinant à l'ascèse. Mais pour cette fois, le découpage des Straub se fait plus "enlevé" (si tant est que les gusses aient déjà entendu ce mot-là) : beaucoup plus de coupes qu'à l'ordinaire, une  circulation de la parole dont on n'a pas l'habitude chez eux (qui réalisent bien souvent des suites de monologues), et même des changements d'atmosphères qui font du bien. A commencer par ces trois cadres qui ouvrent le film : on y voit deux hommes discuter en marchant, se dirigeant vers la caméra avant de sortir du champ, et ce à 3 endroits différents de la forêt. Ça n'a l'air de rien, mais avec cette seule idée, les Straub montrent leur but principal : insérer la parole dans un espace donné, la donner à voir autant qu'à entendre, presque géométriquement. L'essentiel du film est constitué de la discussion entre les paysans et le messager, et les champs/contre-champs sont toniques, faisant bien sentir la frontière qui sépare les deux clans, les deux classes : on se souvint du beau Antigone filmé jadis par les compères, qui fonctionnait sur la même dualité. Enfin, les dernières scènes sont parfaites : une parole enfermée dans le cadre d'une porte, avec ce personnage en amorce ; et, attention les mirettes, un panoramique VERTICAL (!!!!) qui décadre une femme tragiquement appuyée contre le chambranle de ladite porte : on ne sait pas alors si l'on doit regarder ce poing fermé qui clôturerait le film sur une pointe révolutionnaire, ou ces minables fourmis qui s'agitent, qui le clôtureraient sur un constat bien acide. Vraiment, à condition d'être méchamment en forme, je vous conseille ce film-là pour vous familiariser avec le cinéma "deuxième période" des Straub...

Tout Straub et tout Huillet, ô douleur : cliquez

straub19

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