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15 mars 2011

Année bissextile (Año bisiesto) (2010) de Michael Rowe

ano_bisiesto_cartelElle est gironde, elle est seule, elle est mexicaine, elle s'appelle Laura et quand elle décide au début de ce mois de février de remplir en rouge la case du 29, on se demande bien ce qu'elle peut programmer - mais on n'y voit po beau a priori. Dès le premier plan dans un supermarché où elle croise un homme avec un caddy, l'observe sans l'aborder, on sent bien que notre Laura est en attente de quelque chose - d'affection, d'amour... - mais que cela semble hors de sa portée... Par la suite, Rowe nous confinera dans l'ambiance anxiogène de son appart, ambiance plan fixe, tout en prenant le soin de varier les angles comme pour tenter de s'attaquer à son sujet par tous les biais. Le quotidien de Laura n'est guère jouasse : elle tape sur son ordi des articles pour un journal - et ne tardera point à s'en faire exclure temporairement -, elle chope des mecs quand elle sort mais ces derniers, une fois leur petit coup tiré, ne sont pas du genre à s'éterniser, elle reçoit des coups de fil de sa mère et n'hésite jamais (quand elle a la foi d'y répondre) à lui raconter des bobards, elle mate de sa fenêtre le jeune couple d'en face en les enviant... et en profite pour se masturber au passage, et puis il y a ce jeune frère qui passe parfois en coup de vent avec qui elle semble tout de même avoir sa ptite dose de chaleur humaine... Morne appart, il semble bien qu'on ait affaire à un véritable Waterloo sentimental. Heureusement que Monica del Carmen, qui tient le film sur ses solides épaules, par ses mimiques, par ses petites inventions mensongères au téléphone, par son étonnante spontanéité, assure le spectacle de bout en bout - une petite vie pathétique en soi, certes, mais jamais exempte d'un soupçon d'ironie (beaucoup aimé entre autres ce plan sur ce gros cafard qui traverse paisiblement la pièce alors qu'en arrière plan on voit Laura ramèner de sa pèche nocturne un gazier : Michael Rowe semble toujours avoir le sens du petit détail décalé, drolatique, pour que son film ne tombe jamais dans la chienlit).

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Et puis un homme va finir par renouveler ses visites, une relation qui va rapidement tourner au sadomasochisme : si les deux claques qu'il lui assène semblent la surprendre au début, elle ne tarde point à rentrer dans ce jeu - dangereux - lui demandant d'abord de l'étrangler lors de leurs étreintes, puis cherchant, à chacune de ses visites, à inventer une petite mise en scène pour aller toujours plus loin dans l'avilissement et la douleur... Ce besoin de mêler ces deux sensations (plaisir physique et souffrance) pourrait bien être un écho des relations qu'elle eut avec son pater - Rowe livre les informations au compte-goutte (le père mort un 29 février, qui pourrait bien être la personne qu'elle garde en photo sur sa table de chevet, le fait qu'elle eut son premier rapport sexuel à douze ans sans vouloir révéler avec qui ce fut...) et on devine par de petits gestes loin d'être innocents (quand son amant lui offre un chocolat dans un papier d'alu, elle finit par poser ce même papier, qu'elle a soigneusement déroulé, juste à côté de la photo de son père) ce qui pourrait être à l'origine d'un tel comportement... La date fatidique du 29 février approche, sonnera-t-elle l'heure de la "fin" (dans le sang...) ou de la "réconciliation" (l'importance des liens de sang...) ? Là est la question. Sobre, intelligent, parfaitement interprété, jamais racoleur, un premier film "australo-mexicain" (Rowe-Carmen) qui n'a peut-être rien de mirobolant en soi mais qui n'a pas non plus volé sa caméra d'or.

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