Deux de la Vague (2011) d'Emmanuel Laurent

On est forcément ravis de passer quatre-vingt-dix-minutes en présence du couple ami/ennemi Godard/Truffaut tout comme on prend plaisir à revoir moult extraits de films et autres interviews d'époque (grosso modo de la fin des années cinquante au début des années 70). Le bémol est justement dans ce mot "revoir" vu qu'au bout du compte, on ne peut pas dire qu'on ait appris grand-chose de nouveau (pour peu qu'on s'intéresse aux deux gaziers depuis quelques années - si ce n'est une chtite photo où nos deux compères figurent pour la première fois ensemble (avant leur 20 printemps) lors d'un festival de cinoche), Antoine de Baecque, en charge de l'écriture du scénario, se contentant du minimum syndical pour essayer de décrire la carrière en parallèle des deux cinéastes. Le doc prend le parti de revenir sur ces années 60 sans l'enrichir de nouvelles interviews (de Godard bien sûr ou de Léaud, voire de Rivette ou de Resnais... Ouais, pour Rohmer et Chabrol c'est cuit...) et même si les commentaires se montrent avisés, on aurait bien voulu avoir l'avis-même des intéressés - l'occasion faisait le larron pour ce cinquantenaire de la Nouvelle Vague, et cette occase ratée nous laisse forcément frustrés. Quant à la présence d'Isild le Besco en jeune "héritière" du mouvement, franchement, je ne vois absolument point l'intérêt de ces séquences... Autant montrer certains entretiens in extenso des deux maîtres, voire dénicher des documents (sur les tournages de films par exemple) rarement vus - à l'image du petit clip où les deux cinéastes lancent un appel en faveur d'Henri Langlois. Un certain plaisir, oui, mais po vraiment de quoi s'emballer non plus...

Après avoir évoqué les sorties "tapageuses" des 400 coups et d'A Bout de Souffle, le doc remonte le temps pour évoquer le passage percutant des deux hommes aux Cahiers du cinéma et la réalisation de leurs premiers courts. Puis le récit déroule gentiment (extrait de film sur extrait de film) jusqu'à l'année 68, l'annulation du festival de Cannes et la dispute entre les deux hommes (grand plaisir que de réentendre quelques passages de la réponse de Truffaut à la missive-missile de Godard après la sortie de La Nuit Américaine - je pense définitivement être plus truffaldien que godardien mais cela n'est pas une grande découverte en soi). Le doc se fait plus intéressant (ce n'est guère original, là non plus, mais le montage bout à bout est sympathoche) quand il relève les multiples "private joke" et autres références que les deux cinéastes (surtout Godard) faisaient sur les films des auteurs de la Nouvelle Vague et surtout quand il finit par évoquer le cas du gars Léaud : tournant alternativement pour l'un et l'autre, c'est sûrement celui qui a le plus morflé lors de la brisure entre ces deux compagnons d'armes - l'absence de son propre commentaire sur cette période se fait franchement cruellement sentir et on se retrouve au final aussi "perdus" que le gamin des 400 coups sur la plage, image ouvrant et fermant le récit. Un doc honnête, sérieux mais qui surfe un peu trop sur les carrières des deux hommes de la Nouvelle Vague sans les analyser en profondeur - dans leurs remous, leurs tourbillons...

Les odyssées truffaldiennes et godardiennes sont ici et là