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11 mars 2011

Le Monde comme il ne va pas, de Jean-Luc Godard - 1996

1

 

Encore un petit montage fulgurant dont le gars JLG a le secret. Aussi connu (ou inconnu, aussi, hein, on est dans le gravement introuvable) sous le nom de « Photo/petite fille/Algérie/muet », ce micro-film nous montre un seul plan, celui d’une page de journal avec la photo d’une fillette traversant cartable au dos une rue d’Alger entourée par des soldats armés. La caméra resserre de plus en plus, jusqu’à ne conserver à l’écran que cette petite fille, renvoyant tout le reste (pauvreté, guerre, danger) hors-champ. Le tout est accompagné de ce texte (de Chesterton) que je vous livre in extenso parce qu’il est beau comme du Godard :

 

2

 

« Avec les cheveux roux d’une gamine des rues je mettrai le feu à toute la civilisation moderne. Puisqu’une fille doit avoir les cheveux longs, elle doit les avoir propres ; puisqu’elle doit avoir les cheveux propres, elle ne doit pas avoir une maison mal tenue ; puisqu’elle ne doit pas avoir une maison mal tenue, elle doit avoir une mère libre et détendue ; puisqu’elle doit avoir une mère libre et détendue, elle ne doit pas avoir un propriétaire usurier ; puisqu’elle ne doit pas avoir un propriétaire usurier, il doit y avoir une redistribution de la propriété ; puisqu’il doit y avoir une redistribution de la propriété, il doit y avoir une révolution. Cette gamine aux cheveux roux est l’image sacrée de l’Humanité. Autour d’elle, l’édifice s’inclinera et se brisera en s’écroulant, les colonnes de la société seront ébranlées. »

 

3

Dans la continuité du grandiose Je vous salue Sarajevo, notre JLG revient éternellement sur cette violence contemporaine, que le monde véhicule à travers les images. Mais ce travail de recadrage de l’image fixe change le regard, et flirte soit avec la propagande (si on est un anti-Godard), soit avec la réflexion sur le cinéma (si on est fan). Moins fulgurant que le film de 1993, Le Monde comme il ne va pas n’en reste pas moins un de ces obus qui nous arrivent parfois de Godardie sans qu’on ne s’en aperçoive. Douloureux et amer, il creuse à nouveau le sillon de la tristesse, de l’angoisse d’être aujourd’hui, en utilisant les derniers outils du cinéma comme s’ils existaient à l’âge de bronze : un simple zoom, un regard posé sur une image, un texte, ça suffit pour exprimer à la fois l’enfance du cinéma et l’enfance bafouée des pays en guerre. Un poème de quelques secondes, tout plein d’amertume.

God-Art, le culte : clique 

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