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Shangols
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18 février 2011

Valérie au Pays des Merveilles (Valerie a týden divu) (1970) de Jaromil Jires

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Voici une indéniable curiosité tchèque qui, à défaut d'être claire comme de l'eau de roche au niveau du scénario, valerie_and_her_weeks_of_wondersnous emmène dans un univers visuellement hallucinant. Entre surréalisme, film de vampire, monde érotico-fantaisiste, cette Valérie est une Alice qui vient d'avoir ses premières règles (petite tache de sang sur une marguerite, si c'est pas fleur bleue...) et qui laisse dériver ses pensées entre rêve de douceur et cauchemar sanguinolent. Elle habite chez sa grand-mère blanche comme un linge qui rêve d'éternelle jeunesse, est assaillie par un gros prètre barbu qui en veut à sa virginité (de la perversité dans le catholicisme..., peut-être pas forcément le film de chevet du pape...), est dragouillée par un jeune homme à lunettes qui pourrait être son frère sans parler d'un monstre drapé dans une cape noire, qui se transforme parfois en belette, et qui pourrait être son père... Ouh là, même si vers la fin, la Valérie semble s'être servie de son entourage quotidien pour créer cette bizarroïde fantasmagorie, on ne peut pas dire que Jaromil Jires se fasse un plaisir de tenter de dénouer les fils. Mais, comme dirait l'ami Gols dans un geste émouvant, "je m'en fous de comprendre l'histoire" - et dans ce cas précis, il aurait bien raison - d'autant que la poésie ou la noirceur de certaines images donnent toute sa puissance au film.

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A défaut donc de chercher constamment une logique, on se met à croire en la magie des boucles d'oreilles de Valérie qui lui permettent de se transporter d'une séquence à une autre : baisers chastes, jeunes filles qui s'ébattent dans la rivière, acte sexuel parfois plus violent et plus cru perpétré par un moustachu musclé, des séquences qui alternent avec celles de baisers vampirisant teintés parfois d'inceste (mais comme on ne sait jamais trop qui est qui, on ne s'égarera point trop dans cette voie...). Visuellement il y a des séquences absolument fascinantes : cette immense cage blanche qui fait son apparition dans le décor, ces hommes torses nus qui chassent à coups de fouet le jeune homme, ces souterrains infernaux où chacun semble se perdre et Freud s'en donnerait sûrement à coeur joie dans l'interprétation entre ce triangle noirci d'abeilles ou ces constantes associations d'images qui ne cesse d'entremêler le désir, la mort, la recherche de la jeunesse, la peur, le sang et la pureté - sans revenir sur les hommes de religion qui font figure surtout de démons, les bonnes soeurs dansant finalement jambes nues dans la séquence finale...; tous les personnages se retrouvent dans cette ultime danse festive, une sorte de ritournelle frénétique autour du lit aux draps immaculés de Valérie : à chacun d'être sensible à ce tourbillon parfois un peu foutraque et de se laisser entraîner dans cet enchaînement d'images un tantinet chromo, mais cet autre côté du miroir selon Jaromil Jires mérite définitivement le détour. Une belle et étonnante découverte sur une musique originale féérique.   (Shang - 02/10/08) 

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Voilà, mon compère a tout dit : c'est pas forcément d'une clarté cristalline, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on se retrouve face à un objet franchement barré qui fait plaisir à voir. Jires plonge assez loin dans l'iconographie inconsciente de l'adolescence, et filme concrètement les questionnements de cet âge : coucher avec son père ou douter de ses origines ? choisir la voie de la lumière ou celle de l'obscurité ? et quid des leçons qu'on a apprises dans l'enfance (concupiscente point tu ne seras, la religion tu respecteras, la famille tu adoreras, tes seins naissants tu ne montreras point à des moustachus au bord d'une fontaine) ? Valérie se pose sainement ces questions, et Jires se charge de les mettre frontalement en scène dans un très joli écrin mélant les inspirations beatniks de l'époque et l'expressionisme allemand (le Nosferatu de Murnau surtout est expressément cité en référence), l'onirisme à la Lewis Carroll et l'érotisme à la Jean-Jacques Pauvert. Un peu comme si Bergman avait pris du LSD. Ca donne effectivement un bidule foutraque et pas toujours inspiré, mais en tout cas complètement fascinant. La mise en scène est souvent inventive, accumulant à l'envi les séquences les plus glauques (sexe SM dans des caves torves, vampires ricanant, poulets égorgés, domination masculine crade) et les inspirations les plus positives (le final, un exemple de poésie mièvre qui fonctionne pourtant pleinement par la confiance que Jires place dans ses plans naïfs et dans la beauté de son interprète), alternant savamment les envolées en plongées et les plans horizontaux au ras du bitume, mêlant avec une certaine virtuosité le sain(t) et le macabre. Certains plans savamment composés vous rentrent immédiatement dans l'oeil, et on se rend bien compte que Valérie au pays des Merveilles est très loin de l'amateurisme qu'il semble pourtant prôner comme valeur éternelle. On a l'impression de plonger à l'intérieur d'un subconscient, d'affronter réellement une Nature adolescente féminine mêlant terreurs, envies, fascinations et attirances, tout en gardant un côté enfantin bienvenu. Que Jires se permette, en plus, d'attaquer sans ambage les valeurs sacro-saintes prônées par cette Tchécoslovaquie post-Printemps (l'Eglise, la Famille, la pudeur) ne fait qu'ajouter un aspect sulfureux à ce film décidément précieux. A voir, bien sûr, puisque pointu et nécessaire.   (Gols - 18/02/11)

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Commentaires
G
Ah oui oui, vous verrez, c'est pas rien.
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S
Je l'ai de côté depuis un bout de temps. Il faut que je le regarde. :)
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