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13 février 2011

Honkytonk Man de Clint Eastwood - 1982

vlcsnap_2011_02_13_17h06m51s0Nous voilà en présence du premier vrai chef-d'oeuvre de Clint (sauf le respect que je dois à Breezy et à High Plains Drifter). Il me semble bien que c'est avec Honkytonk Man qu'Eastwood plante définitivement les bases esthétiques déjà abordées avec le sous-estimé Firefox, et qui le suivront toute sa vie : modestie du propos, grande sensibilité qui ne tombe jamais dans la sensiblerie, goût pour le mélodrame, importance de la musique, thématique de la transmission et de la responsabilité vis à vis du péché universel (une sorte d'existentialisme à la sauce judéo-chrétienno-ricaine), esthétique automnale qui vous ravage les tripes, sens des personnages et des acteurs. Le tout sous les ors et les clairs-obscurs qui feront bientôt la gloire du maître : aussi agréable pour les yeux que pour le coeur, ce mélodrame est une grande réussite, qui ne fait pas dans l'éclat et le savoir-faire roublard : Clint s'y montre terriblement humble, et c'est peut-être ça qui en fait toute la teneur bouleversante.

vlcsnap_2011_02_13_19h39m54s188C'est bêtement l'histoire d'un chanteur de country, légèrement alcoolo et tubard au dernier stade, qui veut se payer le "Grand Ole Opry" avant de mourir, histoire de devenir en fin de vie quelqu'un. Il entraîne à sa suite son neveu (joué par le fils même d'Eastwood, ce qui ajoute au trouble), jeune ado fasciné par ce tonton qui lui paye des putes, joue du piano avec les mamas blacks, organise des vols de poulets et chante des romances avec une voix de velours. C'est donc, monté en parallèle sur un seul récit, l'histoire d'un homme qui meurt en ayant raté sa vie, et d'un autre qui naît en éspérant réussir la sienne. Eastwood, même s'il tient le premier rôle, ne rate pas une seule expression du jeune acteur, lui réserve toujours une place privilégiée dans chaque scène : c'est bien plus un récit d'apprentissage que celui d'une disparition. D'où cette impression d'un film apaisé, simple, joyeux malgré la gravité qui pointe souvent. Après des tas de films légèrement mortifères, Clint semble avoir trouvé une sérénité qui éclate à l'évlcsnap_2011_02_13_18h11m13s224cran : les scènes de comédie sont vraiment drôles (ce qui n'a jamais été sa spécialité), la tendre complicité entre le père et son fils éclate de simplicité, et même le jeu d'Eastwood s'en ressent. Il n'a jamais été aussi bon acteur, le sourire lui sied finalement bien mieux que les grimaces usées de ses personnages carrés, et il semble prendre un grand plaisir à camper ce looser magnifique, pochtron mais fascinant, fuyant toute responsabilité mais confessant, dans une scène sublimement écrite et filmée, le ratage de sa vie sous la forme d'un amour perdu.

Et puis il y a cette dernière demi-heure, qui, là, mes enfants, arracherait le coeur à n'importe quelle pierre. Quand Clint décide de lâcher les chevaux du mélodrame, on peut dire qu'il est grandissime. Ces dernières minutes sont franchement bouleversantes, malgré le fait qu'on vlcsnap_2011_02_13_18h24m38s82connaisse par coeur toutes ces ficelles, qu'on voit exactement comment ce salopard fait pour nous arracher les larmes, qu'on veuille à tout prix y échapper : on finit pleurant comme un veau devant ces émotions brutes de décoffrage. Gloire en soit rendue aux acteurs d'abord, à la musique ensuite (très jolie chanson principale) et à la mise en scène faussement simple, très attentive, très subtile, sans éclat mais bien présente, d'un artisan devenu enfin cinéaste.

All Clint is good, here

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