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9 février 2011

Quai des Orfèvres de Henri-Georges Clouzot - 1947

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Gentil film de divertissement, ce Quai des Orfèvres, ce qui forcément déçoit un tantinet de la part d'un cinéaste souvent pas avare en expérimentations et en scénarios ambigüs. C'est la grande école du "cinéma français de qualité", celui avec des acteurs précis et drôles, quelques lignes de dialogues finaudes et un savoir-faire irréprochable à tous les postes techniques. Celui qui savait faire chavirer le coeur de Ginette quand Julot la sortait avant d'aller guincher le dimanche après-midi, quoi. Sorti de ça, c'est vrai qu'à part nous en donner pour notre argent et nous faire passer agréablement 1h41, le film ne dit pas grand-chose, est un peu sage à tous les niveaux, et tombe dans une forme d'académisme un peu moyenne.

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C'est l'intrigue policière classique : un riche barbon est assassiné, et une foule de personnages est soupçonnée : Jenny, chanteuse de cabaret fatal aux dents longues et à l'accent gouailleur (Suzy Delair, dans ses pantoufles, mais qui sait faire bouillir les casseroles de lait à distance, dans un plan intrépide et torride); Martineau, son mari, éternel cocu, loser jaloux et petit pianiste introverti (Blier, impecablement touchant et juste); Dora, mélancolique témoin de ces amours mal assorties, et amoureuse frustrée de Jenny (Simone Renant, caution réaliste de la chose) ; et Paulo, truand du dimanche (Robert Dalban et sa tronche de Paulo, truand du dimanche). C'est Jouvet qui mène l'enquête, en personnage prequel de Columbo : hygiène discutable, glamour dans les chaussettes, amabilité au vestiaire, il chafouine dans tous les coins de ce music-hall pour tenter d'extraire la vérité, qui ne manquera pas d'éclater sous la forme de coups de théâtre (attendus, pour la plupart) dans les 5 dernières minutes. C'est vrai que c'est agréable de voir tout ce joli monde cabotiner sa mère, dans des jeux de contrastes sophistiqués et aidé par des dialogues finement ciselés (on n'est pas non plus chez Renoir, cela dit, certaines scènes auraient mérité d'être encore plus travaillées à ce niveau). Ce qui manque, c'est une réelle âme à l'ensemble : tout est beau, mais tout est lissé, tout sent le studio chicoss et le machino bien en place, la colle fraîche et le 20/20. Clouzot joue au bon élève, peut-être échaudé par ses démélés avec la justice et l'écornement de son image, dont il sort à peine à ce moment là. Comme s'il avait voulu faire le Film Français ++, irréprochable et purement divertissant.

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A son honneur, notons quand même quelques traits modernes et courageux dans cet univers un peu trop tracé : un petit enfant noir, adopté par Jouvet, qui dénote une belle ouverture d'esprit de la part de Clouzot, pour l'époque (ceci dit, ce môme arrive comme un cheveu sur la soupe dans le scénario, et ne sert strictement à rien d'autre qu'à montrer la grandeur d'âme du personnage somme toute antipathique du flic) ; quelques fines allusions au saphisme du personnage de Dora, qui se conclut par cette fine réplique de Jouvet : "Vous m'êtes particulièrement sympathique, Melle Dora, et vous savez pourquoi ? Vous êtes un type dans mon genre. Avec les femmes, vous n'aurez jamais de chance." ; et enfin quelques saillies vengeresses, de la part de celui qu'on accusât de collaborationisme, contre les délateurs français (le "témoignage spontané" du notable au commissariat, ou le très joli rôle secondaire de l'anar contraint à balancer un suspect : "Je vous fais bien mes excuses, madame, mais on n'est pas les plus forts"). Heureusement que ces détails sont là pour donner un peu de caractère à ce film certes savoureux et vintage à mort, mais aussi un peu qualité française. Préfère Les Diaboliques, moi.

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