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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
29 décembre 2020

Les Désaxés (The Misfits) (1961) de John Huston

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"Nothing can live unless something dies."

J'aurai toujours une immense tendresse pour ce film mythique, miraculeux, euh, drôle. Parce que même si ce film est hanté d'une certaine façon par la mort (pas seulement dans le destin du couple Gable/Monroe (a posteriori, trop facile) mais surtout au niveau des nombreux dialogues qui y font référence ("We're all dying, aren't we ? We're not teaching each other what we really  know, are we ?")), il possède aussi quelques magnifiques instants de grâce teintés bien souvent d'humour. Nos trois vieux gamins réunis autour de la Monroe, en Miss compassion, n'ont de cesse de faire leur "intéressant" pour capter son attention : Montgomery Clift (qui a bien morflé durant ces dernières années) en cow-boy de rodéo alcoolo-pathétique dont l'intensité du regard oscille constamment entre la folie douce et le pur délire (gros fou rire lorsqu'il entame sa danse avec Marilyn, il a des allures de personnage lynchien totalement jeté, croisé avec le loup de Tex Avery), Clark Gable (vieux matou qui a encore sa moustache et son sourire légendaire) en éternel personnage à la poursuite de ses rêves - entre l'indépendance totale et la femme de sa vie, il faut parfois choisir... - et Elli Wallach en rital éternellement (hum) éploré jusqu'à ce que survienne cette blonde tombée du ciel...

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Trois vieux gamins, disais-je, qui succombent au charme de cette femme naïve, fragile et belle à se damner. Monroe étincelle, franchement, et prouve une bonne fois pour toutes qu'elle est l'une des plus grandes actrices de sa génération (elle n'a jamais été nominée aux Oscar, c'est tout à sa gloire) : j'avoue être un poil partial (je viens de terminer la lecture du bouquin de Oates, je suis à donf...) mais elle me sidère de bout en bout dans ce film : qu'elle lance un simple "OK" (ouais je sais, c'est rien, mais j'ai les jambes qui flanchent parfois pour pas grand-chose), qu'elle s'amuse à entrer et sortir de la maison douze fois de suite après que Gable a posé des parpaings pour faire office de marche, qu'elle "joue avec ses lèvres" pendant que ses interlocuteurs se lancent dans de longs discours (Monroe est la reine de la micro-mimique, constamment dans son personnage même quand elle n'a point de réplique) ou qu'elle se contente d'être, bon Dieu, tout simplement (la tête reposant sur le siège d'une bagnole, le regard perdu), elle est sublime et ne cherchez point à me contredire, je suis capable de mordre.

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Arthur Miller écrit son premier véritable scénario pour le cinéma et son écriture reste indéniablement très "théâtrale", faisant la part belle aux longues parties dialoguées entre deux personnages - cela peut sembler dans la première partie du film un peu systématique mais les dialogues valant tout de même leur pesant d'or, on ne s'en plaindra point (ce d'autant que la dernière partie du film, relativement muette, elle, laissant la place aux grands espaces (Huston "lâche les chevaux", c'est ça, littéralement) permet de contrebalancer ces passages très "littéraires"). Il est constamment question d'abandon, de perte, d'absence, de déception, chacun des trois mâles ayant la possibilité de s'épancher sur sa vie auprès de l'infirmière Monroe, toujours prête à concéder au passage une partie de son anatomie (sa joue, ses épaules, ses jambes, rien de graveleux, nan) pour qu'ils s'y reposent (en paix). Mais nos trois vieux garçons, comme des collégiens, ont également une méchante tendance à abuser de la bouteille et on arrive à ce climax du film, une séquence réellement irrésistible, où chacun part totalement en live : ronds comme des queues de pelle, notre quatuor parvient, en fin de soirée, tant bien que mal, à rallier ce refuge perdu au milieu de nulle part : Wallach se met à clouer des planches au beau milieu de la nuit (comme obsédé par l'idée de se "reconstruire"), Gable, éternellement fleur bleue, tente maladroitement de l'en empêcher (Wallach écrasant au passage les fleurs qu'il a plantées) et Clift, emmêlé dans ses bandes comme une momie ressuscitée, de partir dans un pur délire teinté de paranoïa (on a tout fait pour l'humilier, se plaint-il)... trois gamins qui se donnent en spectacle devant le regard de la pompière de service, Monroe, qui tente gentiment de calmer leur "retour de flamme" - rien que pour cette scène-là, The Misfits est éternel.

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Place donc ensuite à ce combat des hommes contre la wild nature (contre leur nature sauvage, oui, aussi, of course) devant les yeux d'une Marilyn au bord de la crise de nerfs ("Murderers !"...). Huston prend tout son temps pour nous faire suivre cette aventure en territoire lunaire, une sorte de paradis perdu où les hommes tentent de dompter la nature et où la femme s'évertue, elle, en quelque sorte, à les dompter... La démonstration est sans doute un peu "simpliste" mais on est prêts à fermer les yeux devant cette facilité pour garder en tête la beauté indéniable des images concoctées par Huston. Je peux voir et revoir ce film à l'envi, je demeure, de toute façon, constamment et entièrement sous son charme - comme un baume cinématographique apaisant...   (Shang - 08/02/11)

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Pour ma part, petite déception à la revoyure de ce film qui m'avait pourtant emballé dans ma prime jeunesse. Tout est bien, rien à dire, tout est subtilement écrit et remarquablement filmé, tout est à sa place, mais quelque chose n'arrive pas à passer, l'émotion a du mal à jaillir malgré le dernier tiers, très beau. Sans doute est-ce dû au scénario sur-écrit de Miller, qui tient absolument à ce qu'on sache qu'il est un pur génie d'une finesse incomparable : ses dialogues et ses situations sont très appuyées, on les croirait issues d'un petit manuel pour freudiens, et on sent bien que chaque personnage est en charge d'une "déviance" psychologique bien définie par la science psychanalytique : ça va de la virilité exacerbée à l'homosexualité refoulée, du syndrome de la femme-infirmière au transfert sentimental, enfin tout l'appareil freudien trouve ici son illustration, transformant les personnages en marionnettes symboliques un peu platounette. Les dialogues sont de plus écrits avec une sorte de vanité pénible, on voit que Miller aurait bien voulu être acteur dans le film, genre à la place de Gable, et tient à ce qu'on sache qu'il fait partie de la bande. Ce qui n'est pas le cas de Huston, qui livre une mise en scène sobre de laquelle il s'efface subtilement, ce qui ne veut pas dire qu'elle est transparente : il y a quelques grandes idées là-dedans. Ce décor désertique, presque abstrait, avec ces chevaux entravés et ces cow-boys ringards qui les poursuivent en camion, a une force graphique indéniable.

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On tique un peu aussi face aux acteurs. Beaucoup aimé Wallach aussi qui, dans ses excès parvient à être toujours juste et émouvant : il campe un "troisième rôle" impeccable, émouvant, grand-guignolesque, et finalement beaucoup plus ambigu que ses acolytes. Mais les autres ne m'ont pas vraiment convaincu : Gable, qui n'est quand même pas l'acteur du siècle, s'accroche à ses deux expressions (en colère et rigolard), ressort ses éternelles recettes qui collent mal avec le jeu "actor's studio" de ses partenaires, et échoue en un mot à endosser la figure à la fois paternelle et cadavérique du cow-boy viril ; Clift, complètement figé physiquement (une pub contre l'alcoolisme incarnée) a lui aussi le bras un peu court pour ce cow-boy un peu bêta, et peine à exprimer les sentiments très complexes que Miller lui écrit ; et, je l'avoue, Marilyn m'a déçu aussi : elle fait tout ce qu'elle peut pour rendre son jeu profond, mais a du mal à s'extirper de ses mimiques de jeune sotte et de ses minauderies habituelles. Toujours préféré cette actrice dans les emplois de beauté stupide, qu'elle fait avec génie : là, en voulant fabriquer un personnage plus tourmenté, plus sombre, elle butte contre le simplisme de son jeu. Même dans la scène où elle pète les plombes face à ce monde d'hommes qui exclue les femmes, elle n'a pas la puissance voulue. Heureusement, le film est très plaisant dans plein d'autres aspects, notamment dans son féminisme désabusé (on n'attendait pas Huston ici) et dans le côté crépusculaire du monde qu'il décrit : tout ça suinte la mort de partout, jusqu'à en être assez effrayant. Essai un peu raté pour moi, reste le souvenir d'une grand film plus qu'un grand film lui-même.   (Gols - 29/12/20)

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Commentaires
S
Rah vous m'arrachez l'aorte Zinjero tant je trouve Monroe au dessus de tout dans cette dernière oeuvre achevée... Elle arrivait certes avec quelques heures de retard sur le plateau (hum) mais c'est dur de dire qu'elle a fini par flingué ce pauvre Gable auquel il restait à tout casser une dizaine de poil de moustache dont la moitié fut perdue lorsqu'il fut trainé sur 60 mètres par un cheval (faut po me chercher sur ce film, je serais capable de sortir le nombre de whisky que s'envoyait Huston en loucedé). Ah les micro-mimiques des lèvres, tout un art, j'avoue...
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Z
Revu la semaine dernière, je ne m'attendais pas à être aussi touché. Je partage donc votre enthousiasme sauf pour Monroe. Ou elle joue mal, ou son personnage est mal écrit, quelque chose cloche en tout cas car elle crispe trop pour séduire et au bout d'un quart d'heure avec elle on aurait envie d'aller voir ailleurs (elle a d'ailleurs usé Gable)... La prochaine fois, je ferai plus attention aux micro-mimiques.
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