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22 février 2014

La Peau douce (1964) de François Truffaut

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Voilà un film de Truffaut relativement "mal aimé" qu'il est tout de même bien agréable de revoir : pour la sublime musique de Delerue (un somptueux thème "romantique" que viennent troubler parfois des accords porteurs d'un certain "malaise" ou soulignant une légère tension), pour la présence de la pétillante et troublante Françoise Dorléac, la maîtresse blonde - qui tranche avec le caractère plus sanguin et affirmé de la brune Nelly Benedetti -, ou encore par les tentatives de Truffaut de varier son montage (l'ami Gols soulignait récemment l'influence d'Hitch sur Truffaut : l'efficacité, entre autres, dans le montage des premières séquences (des plans courts, des inserts sur des objets filmés en gros plans... - s'agit-il d'un film policier ou d'une histoire d'amour ?, se demande-t-on naïvement en connaissant la réponse), semble assez révélatrice du visionnage en boucle des films du maître). Même s'il est vrai que, sur la longueur, le film a tendance à manquer un peu de peps (malgré le montage en "cut" de certaines séquences, petit tic qui n'apporte ici, finalement, pas grand chose au rythme ; faut dire aussi que notre ami Jean Desailly n'est pas non plus particulièrement glamour et donne un petit côté pépère à l'ensemble du film), on prend plaisir à s'attendrir ici ou là à tout ce qui fait la marque de fabrique de la Truffe.

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Pierre Lachenay, la quarantaine, marié à une brune avenante avec laquelle il a eu un enfant (Sabine Haudepin toujours au taquet), jouit d'une certaine estime en tant qu'écrivain et conférencier. Une petite vie, en un mot, bien remplie, d'autant que notre homme est souvent amené à voyager en province ou en Europe. Mais voilà, il croise le regard de cette belle hôtesse dont il va avoir bien du mal à ne pas tomber amoureux... On retrouve avec plaisir de nombreuses petites scènes pleinement dédiées à la toute puissance de la sensualité féminine : que Jean Desailly capte, sous un rideau, dans l'avion, les pieds nus de cette belle hôtesse, qu'il fasse une petite remarque, mine de rien, dans la voiture, sur le fait qu'elle porte des jeans (la Françoise, à l'écoute, profitera de l'arrêt à la station service pour enfiler une jupe - c'est à la fois deux fois rien et presque tout...)), qu'il profite de l'assoupissement de sa maîtresse pour glisser ses mains sous sa jupe et lui défaire ses bas... Au delà de l'attirance la_peau_douce_02sexuelle, Pierre Lachenay, en vrai gentleman sait aussi faire preuve de petites attentions touchantes (il a certes plus de patience avec sa maîtresse qu'avec sa femme, que voulez-vous ma bonne dame...) comme lorsqu'il se contente de regarder Françoise Dorléac danser ("ce sera mon plaisir" dit-il en substance) ou lorsqu'il se rend compte qu'un hôtel de passe, même en dernier recours, ne peut convenir à leur relation secrète. Pierre Lachenay (au delà du clin d'oeil à l'ami d'enfance de Truffaut, dans "Lachenay", il y a aussi "lâche"...) a tout de même beaucoup de mal à assumer pleinement cet adultère : il préfère multiplier les mensonges, avec sa femme, même une fois que celle-ci aura évoqué l'idée d'un divorce ("Je te jure que je ne vois pas une autre femme" - ben oui, mon coco), et fait également preuve d'une terrible nervosité, lors de son voyage en province, pour que personne ne soupçonne sa liaison (quitte à complètement abandonner, pour un temps, la douce Françoise à son sort...). Les deux femmes, elles, font preuve de beaucoup plus de force de caractère, et notre Pierre de payer, finalement, son manque de courage, ses hésitations, ses petites et grandes trahisons, au prix fort...

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La Peau douce est aussi l'occasion pour Truffaut de dresser un petit tableau de la vie de province assez pathétique et qui n'aurait sans doute point déplu à Flaubert (du chanoine de Reims à ces vieilles peaux responsables culturelles, le portrait est assez gratiné - même le trublion Ceccaldi, fort en gueule, ex-parigo qui passe son temps à  justifier son installation à Reims, est piteusement ridiculisé au passage). On retrouve également le goût de Truffaut pour les bons mots (Desailly citant l'incontournable Guitry : "Elle bâillait devant lui et il lui a dit bye bye..." ou Ceccaldi, pleine bourre, se saoûlant de ses propres paroles : "Excellent ton discours, du Mozart, du pur porc !" (...)) ou pour les petites scènes du quotidien qui prennent une tournure "poétique" (le chaton qui vient grappiller sur le plateau du petit-déj "après l'amour" - petit clin d'oeil à l'une de nos fidèles lectrices) ou "comico-dramatique" (l'inconnu qui aborde Nelly dans la rue après s'être rincé l'oeil sur la couture de ses bas et qui en prend, le bougre, pour son grade)... Un film qui manque peut-être un peu d'aspérités, voire, dans sa dernière partie un peu longuette, de réelle originalité (on suit le sentier très balisé d'un adultère bourgeois vécu "en douce" avant que le pot-aux-roses "explose") mais qui reste suffisamment plaisant pour tout bon fan de Truffaut qui se respecte.   (Shang - 06/02/11)

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Tout est dit, même si j'ai tendance à être un peu plus amoureux que mon Shang de ce film effectivement mal-aimé (ma fameuse préférence envers les truffaut dits mineurs, sans doute...). Même s'il reste assez froid, contre la volonté évidente de la truffe qui voudrait bien en faire un film sensible et profond, j'ai été assez admiratif sur la forme, véritable leçon de montage et de rythme. Hitchcockien à mort, grâce effectivement à ces curieux inserts sur les objets qui donnent un faux suspense à cette histoire assez pathétique, le film prend tous les airs d'un suspense diabolique, alors qu'il ne s'agit que d'un banal adultère en milieu bourgeois qui aurait pu donner un bon vieux roman-photo. De la coiffure de l'héroïne, qui ressucite les fantômes de Marnie et de Madeleine, à cette façon d'utiliser la musique en harmonie avec les gestes des personnages qui ressucite celui de Bernard Herrmann, jusqu'à cette scène étrange avec l'ami de province où on filme les pieds qui se rejoignent, s'éloignent et se retrouvent (clin d'oeil à Strangers on a Train), tout ramène au maître ; et c'est une grande idée de tenter d'adapter les grandes recettes de Bouddha aux inspirations sentimentales de Truffaut. On est même presque déçu par le dénouement meurtrier, peu crédible pour conclure un film qui traite d'un sujet aussi petit (souvenir du dernier plan fulgurant de Nous ne vieillirons pas ensemble de Pialat, autrement plus génial qu'ici).

Sans titre

Du coup, grâce à cette atmosphère toute de suspense et de fausses pistes, le film est tendu comme tout. C'est vrai, il est un peu long et ne tient pas ses promesses jusqu'au bout, mais ça ne fait rien : à la fois en pleine classe américaine et fidèle à son style, Truffaut est ici très habile. Et très sensuel : son film est sans cesse à deux centimètres de ses acteurs, faisant sentir le grain, justement, des peaux. Et très subtil : les mini-situations qu'il met en place, et sa façon de les filmer sont d'une délicatesse délicieuse. Il suffit d'un plan sur un carrefour, d'un regard sur les chaussures de Dorléac (cette fascination, déjà, pour les pieds et les chaussures, fêtichisme qui là encore le rapproche de Hitch), d'un petit geste esquissé sur un collier ou d'une réplique littéraire, pour évoquer tout un univers mental du protagoniste principal, fait d'amour propre, de frustrations, de doutes, de fantasmes, d'orgueil. Truffaut attaque frontalement la petite-bourgeoisie, aussi bien dans ses scènes les plus directes (le jeu de massacre de la conférence sur Gide en province) que dans le portrait même de cet homme pathétique qui s'offre une hôtesse de l'air. Dorléac, en fantasme fantomatique, en symbole et en surface, est parfaite, et Desailly incarne avec une totale absence de jugement son petit mec : personnellement, je trouve que le rendre plus glamour aurait été une grosse erreur, puisqu'il est censé représenter la banalité du fantasme masculin le plus étriqué. Bon, un grand petit Truffaut, comme tous les petits Truffaut.   (Gols - 22/02/14)

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