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5 février 2011

Domicile Conjugal de François Truffaut - 1970

domicile_conjugal_1970_12_gEn réalisant ces petites comédies sentimentales autour de Doinel, Truffaut se permet des tas de tentatives de style qui lui seraient sans doute interdites dans des productions plus ambitieuses. Après les clins d'oeil à Hitchcock de Baisers Volés (qui se prolongent ici dans le premier plan du film, délicieuse copie de Marnie), le voilà sur les traces de Jacques Tati avec ce volet volontairement léger, proche du vaudeville et rempli de mini-gags. Non seulement Monsieur Hulot apparaît concrètement le temps d'un plan, mais l'ensemble de Domicile Conjugal semble jouer sur ce "presque rien" qui donne toute la saveur et la drôlerie à un plan : les dialogues très orchestrés qui se croisent dans la cour de l'immeuble, faits surtout d'onomatopées (Jacques Jouanneau, dix éructations par syllabe) rappellent les partitions hâchées de Tati, tout comme cette légèreté indéfinissablement grave qui émane de ces situations à deux sous. Il y a plein de détails tatiesques là-dedans, de la présence de Billy Kearns en Américain friqué (le même que dans Playtime) au jeu très visuel de Jean-Pierre Léaud (ses mines impayables quand passe "l'étrangleur" dans sa cour).

Domicile_20Conjugal_201_0En atteignant la maturité, le couple Antoine/Christine n'a rien pedu de sa candeur et de sa fraîcheur, malgré les coups de butoir de cette chienne de vie. Pour tout dire, ce sont encore deux gamins qui s'amusent à se faire des blagues à deux balles et regardent la vie come une fantaisie légèrement grinçante. Doinel est toujours au centre, mais la bonne idée du film est d'avoir fait grandir le personnage de Christine : Claude Jade joue à égalité avec Léaud, et elle est bien meilleure que dans l'opus précédent. Ce duo est parfait, et Truffaut lui tresse un petit collier d'anecdotes fraîches comme tout pour leur permettre d'exprimer ce bonheur idéal : un tube de dentifrice, une coquille dans le journal, un petit pot de bébé, un air de violon suffisent à faire une scène mignonne en diable, suffisent à laisser s'exprimer une insouciance qui fait chaud au coeur. Les questions les plus futiles (en japonais, "allô" se dit "moshi moshi"... alors comment dit-on "allô allô" ?) deviennent des terrains de jeu pour Truffaut, qui manie un sens de la drôlerie infime en orfèvre. C'est mineur, oui, comme peut l'être une fugue de Mozart ; mais je crois que les films mineurs de la Truffe sont définitivement les plus beaux. Car, en plus d'être un pur moment de légèreté, Domicile conjugal continue à cultiver cette douce amertume assez domicile_conjugal_claude_jadeinsaisissable, qui fait qu'on ressort de la chose avec une sorte de malaise vague. Peut-être parce que derrière ce couple enfantin se cachent d'autres thématiques plus sombres : l'infidélité, l'ennui de devenir un adulte, la lassitude du couple (le couple alter-ego que constituent les voisins est un très joli contre-point, qui donnera d'ailleurs un final assez glaçant au film), l'impossibilité de faire une croix sur une enfance difficile (Les Quatre cents Coups sont toujours présents en filigranne). Truffaut, avant le dernier volet de la saga, réalise une sorte de bilan de Doinel, en enchaînant les allusions à son passé (tous les épisodes sont cités, que ce soit dans les mots ou même formellement, avec quelques plans carrément copiés aux volets précédents), et en nous montrant un enfant devenu homme peut-être pas si heureux que ça, peut-être pas si équilibré et lunaire qu'il en a l'air. Léaud est l'acteur idéal pour ça, et semble porter un poids de mélancolie assez lourd ; cette amertume éclatera dans le splendide (dans mon souvenir ! mais je vous tiens au courant) L'Amour en Fuite. Pour l'instant on est encore plus dans le rire insouciant que dans le vrai drame de la vie quotidienne.

Tout Truffaut : clique et profite

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