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Shangols
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11 janvier 2022

Baisers volés de François Truffaut - 1968

Antoine_DoinelAh c'est sûr que, vue l'époque, on pouvait attendre du sanguin Truffaut autre chose que Baisers volés. La seule allusion aux temps troublés de 68 réside dans le premier plan, qui cadre la Cinémathèque de Langlois fermée. A part ça, on aura droit à une petite fantaisie sentimentale sans réelle conséquence. Mais c'est aussi tout ce qui en fait son charme : c'est désuet comme pas permis, ça devait d'ailleurs déjà l'être au moment de sa sortie, c'est fleur bleue et émotif, c'est résolument contre son temps tout en en étant une sorte d'archétype, mais c'est aussi complètement moderne et engagé ; bref, c'est furieusement fashion tant ça n'obéit à aucune règle établie.

On retrouve notre Antoine Doinel à la sortie de l'armée, où il s'est engagé pour fuir une histoire d'amour ratée. Viré des rangs, il est contraint de trouver des petits boulots, et on va simplement suivre les mille et une aventures plus ou moins importantes de notre éternel enfant : en veilleur de nuit, en marchand de chaussures, en réparateur de télés, en détective privé, Doinel est toujours en porte-à-faux, toujours entre le burlesque, la poésie pure et le je-m'en-foutisme total. Encore une fois, Léaud est magistral, d'une originalité fascinante, jamais là où on l'attend dans ses expressions, dans sa légèreté, dans sa façon de dire les baisers_voles_1968_04_gphrases de Truffaut, même les plus anodines : c'est ça qui donne la sève du film, d'ailleurs, l'anodin, cette façon minutieuse et jolie comme tout d'utiliser le langage courant, les petites phrases de tous les jours, pour en réhausser la simple beauté, la douce mélancolie. Que Doinel se beurre une tartine (ça sert aussi à ça, le cinéma, apprendre à beurrer une tartine) ou qu'il se cache sous ses draps par timidité devant une belle femme (Delphine Seyrig, sublime beauté tout en naturel, l'anti-Romy Schneider), qu'il se livre à une filature à la con ou s'exalte dans sa description de la femme qu'il aime, on s'extasie devant cette façon d'utiliser le "presque rien" pour en faire du cinéma. Les plus beaux moments sont ceux où Truffaut regarde simplement ses acteurs s'amuser de ces dialogues à quat'sous, de ces petites situations drolatiques (Lonsdale qui veut qu'on enquête pour savoir pourquoi on le déteste, l'ancien amour qu'on croise dans la rue avec un enfant dans les bras), de ces simples situations de comédie sans conséquences.

Mais il est excellent aussi quand il tente le "grand cinéma", dans toutes ses dévotions à Hitchcock baisers_voles_1968_07_gnotamment, qui sont touchantes en diable : la filature d'une femme sur des notes et dans des cadres à la Vertigo, des clins d'oeil appuyés à Marnie, ou cette série d'accélérations de rythme, faites d'insert de gros plans sur des objets, ou de montage de plans d'une fraction de seconde quand un évènement se produit : c'est là la grammaire hitchcockienne au premier degré, que Truffaut ne se gène surtout pas pour exposer avec une belle naïveté. Ces hommages n'enlèvent rien au style du gars, qu'on retrouve très souvent, dans ces plans d'ensemble montrant Doinel courir dans les rues de Paris par exemple, ou dans ces jolis travellings qui courent d'une pièce d'appartement à l'autre avec une grâce infinie. La légèreté faite cinéma, la futilité faite art, mais avec cette gravité cachée sous un masque de pudeur qui fait merveille : du Truffaut made in Truffaut, doux et poignant comme la vie.  (Gols - 31/01/11)


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Baisers volés reste et restera en dehors du temps, une sorte de petite bulle romantique à la fois si légère et absolument définitive, irremplaçable. Mon comparse a dit l'essentiel : une année 68 qui se résume pour Truffaut au problème Langlois, un Jean-Pierre Léaud facétieux, toujours surprenant quoiqu'il fasse, quoiqu'il dise (Bonjour Mâdâme, Allô Môssieur Shapirô - cet art de vriller une intonation), des femmes encore et toujours en éternels objets du désir (de la jeune fille bien sous tout rapport, Claude Jade, à la femme dans la trentaine totalement fantasmée (Delphine Seyrig et ce timbre de voie, et ces jambettes, et ce sourire mutin - son petit monologue dans la chambre de Léaud est du pur Truffaut, une déclaration d'amour universelle aux femmes) et puis en effet ce montage saccadé, parfois en cut, totalement étrange et surprenant, qui donne aux scènes "d'action" un petit cachet terriblement hitchcockien... C'est vrai qu'on est dans la légereté avant tout dans des temps pourtant dominés par la contestation et une certaine violence (...) mais pour Truffaut l'essentiel était est et sera : les femmes, les femmes, les femmes, Doisnel devant heureusement, pour combler les temps morts, trouver entre deux échecs de drague toute sorte de petits boulots ; plus il est incompétent dans la tâche d'ailleurs, plus il semble y prendre un certain plaisir : quand on y songe, tout semble frivole ici, on quitte un boulot comme un sous-pull, on butine d'une femme l'autre, on marche dans la rue le nez en l'air sans se soucier de rien ; Léaud échoue plus souvent qu'à son tour dans tout ce qu'il entreprend mais il garde constamment ce petit sourire en coin, ce petit sourire espiègle faisant de lui un éternel gamin capable des 400 coups - rien n'est vraiment grave : un état d'esprit qui n'a plus vraiment cours plus de cinquante ans plus tard...

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On retrouve chez Truffaut cet amour de Paris (le Sacré Coeur cette fois-ci filmé sous toutes les coutures), cette attirance pour les blagounettes, pour les spectacles d'illusion, ce besoin le cas échéant de faire pédagogique, informatif (tout, ici, sur le parcours d'un pneumatique) ou encore cette volonté de montrer "l'inattendu trivial" (une ancienne amante qu'on croise avec un gamin, un pote qui nous résume sa vie en douze secondes dans la rue, un collègue qui tombe raide mort au bureau, un inconnu qui vous déclare sa flamme - les surprises de la vie, son sel, son poivre etc...). On avait pas grand-chose à dire de plus et voilà qu'on finit par s'emballer...

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Baisers volés, quoiqu'on en dise et pour conclure parce qu'il faut que j'aille mollo avec ma positivité (...), recèle ce moment suspendu, hilarant, incroyable où Léaud enchaine devant le miroir les noms des femmes qu'il aime puis le sien : comment Truffaut a-t-il pu avoir une telle idée et comment Léaud a-t-il encore trouvé l'inspiration pour rendre cette idée totalement loufoque absolument fantastique, drolatique ? C'est là encore une preuve de la magie de ce film qui parle de pas grand-chose et qui nous touche plus que n'importe quel discours à la con, n'importe quelle théorie ou analyse sur le genre humain, que n'importe... Le cinéma est bien magique, bordel.   (Shang - 11/01/22)

Tout Truffaut : clique et profite

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Fabienne Tabard Fabienne Tabard Fabienne Tabard Fabienne Tabard Fabienne Tabard Christine Darbon Christine Darbon Christine Darbon Christine Darbon Christine Darbon Christine Darbon Antoine Doinel Antoine Doinel Antoine Doinel Antoine Doinel Antoine Doinel Antoine Doinel Antoine Doinel Antoine Doinel Antoine Doinel Antoine Doinel Antoine Doinel... Po mieux.
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