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30 janvier 2011

La Lettre (The Letter) (1940) de William Wyler

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William Wyler, adaptant Somerset Maugham, est définitivement une pointure lorsqu'il s'agit de trousser un mélodrame teinté de tragédie. Bénéficiant d'une partition inspirée de Max Steiner - joliment mâtinée d'un soupçon de sonorité orientale (le récit se passe à Singapour) -, d'une distribution excellente (Bette Davis en tête même si les seconds rôles ne déméritent point : James Stephenson en avocat rongé par le remord est excellent, Gale Sondergaard incarne avec une certaine majesté cette veuve aussi mystérieuse que vénéneuse et même le gazier qui joue l'obséquieux Ong - aussi discret et efficace dans son taff que pour jouer les intermédiaires vénaux - est impeccable) et d'un superbe noir et blanc signé Tony Gaudio - joli jeu, entre autre, sur le clair de lune -, le film excelle à faire monter doucement la pression. En un plan séquence, Wyler plante le décor - une plantation de caoutchouc, les travailleurs au repos - enchaîne subtilement sur la demeure des patrons, un coup de feu, un perroquet qui s'envole et Bette Davis qui apparaît en train de vider son chargeur sur un homme... On craint un instant le sempiternel flash-back pour nous conter par le menu l'origine du drame, on est vite rassuré : le mari de Bette, son avocat, un jeune policier se rendent rapidement sur les lieux du drame et la Davis de raconter sa version des faits ; l'homme a tenté de l'agresser sexuellement, elle a agi en état de légitime défense. Son récit se tient à la perfection (un peu trop...), tout le monde semble convaincu jusqu'à l'apparition d'une lettre, écrite le jour du drame, qui semble contredire certains de ses propos... Même s'il est toujours possible de faire disparaître cette fameuse lettre, parviendra-t-elle à convaincre jusqu'au bout son avocat, le jury, ou encore son mari ?... A moins que la personne la plus difficile à convaincre du "bien fondé" de cet acte sanglant soit... l'héroïne elle-même.

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Bette Davis semble littéralement sous hypnose quand elle appuie six fois sur la gâchette. La gazelle parvient tout de même, dès l'arrivée de son mari, à reprendre son calme de façon plutôt extraordinaire. Elle n'hésite pas une seconde pour raconter les faits avec une précision qui force le respect et rassure totalement son auditoire qui salue son "courage"... Seulement voilà, on garde en tête le titre du film et on sent que la Bette risque d'avoir oublié un léger détail. La veuve du type assassiné détient en effet une lettre dans laquelle Bette invite son ex-amant (le texte est clair) à venir expressément chez elle, deux petites choses qu'elle a omis de préciser dans ses déclarations... Pour dix mille dollars, elle pourra récupérer la lettre (magnifique confrontation entre l'ex-amante et la veuve dont le simple regard méprisant suffit à réduire la Davis à une naine): ce sera chose faite avec l'aide de son avocat qui renie, bien malgré-lui, par pure "amitié", ses principes fondamentaux... Bette Davis semble avoir la capacité de se jouer de son entourage, voire du jury, en maîtresse-femme... Encore faut-il dans ces cas-là pouvoir jouer le jeu, jusqu'au bout...

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Bette Davis, malgré l'aspect terrifiant de son acte, garde une sérénité et un calme que rien ne semble pouvoir abattre : qu'elle soit en prison ou qu'elle ait à mêler son avocat à cette transaction illicite, elle semble toujours capable de charmer son monde avec une grande décontraction. Rien ne semble pouvoir détruire sa cuirasse : la Davis se réfugie à la moindre occase dans le tricot d'un dessus de lit comme pour prouver à tout un chacun que ses mains, à l'image de son état d'esprit paisible, ne peuvent trembler... L'avocat, mouillé jusqu'au cou dans la disparition d'une preuve cruciale, et son mari un peu ballot font preuve de leur côté d'une évidente fébrilité mais elle semble, de son côté, persuadée de sa capacité à garder leur confiance quoiqu'il advienne. Il est possible de tricher avec ses proches, l'exercice semble plus risqué avec ses propres sentiments... La Lettre s'ouvre par un acte tragique et ne peut se conclure... que tragiquement ; encore faut-il savoir qui fera les frais des mensonges derrière lesquels la Davis tente de se dissimuler - à l'image de son châle que la veuve lui fera d'ailleurs enlever... Que peut-on ajouter en post-scriptum si ce n'est que l'ensemble est parfaitement enveloppé par un Wyler qui signe là une histoire sentimentale mâtinée d'une subtile et fatale noirceur - comme l'ombre projeté sur le visage de l'héroïne alors que les nuages se jouent du clair de lune.

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