100 Dollars pour un Shérif (True Grit) (1969) de Henry Hathaway
Le film des Coen et celui d'Hathaway, basé sur le roman de Charles Portis, gardent dans les grandes lignes la même trame ; au petit jeu des variations, on pourrait tout de même noter que la version de 69 prend la peine de nous présenter le meurtre initial du pater - le film des Coen préférant se focaliser d'entrée de jeu sur l'héroïne - et relever que le final diffère également quelque peu (les Coen nous gratifiant entre autres d'un épilogue vingt-cinq ans plus tard). On pourrait encore faire le mariole en notant que le bandeau du Marshal n'est pas sur le même oeil (ouais, c'est anecdotique mais bon...) mais surtout relever que le film d'Hathaway est dans son ensemble beaucoup plus lumineux : les vastes décors traversés par notre trio sont technicolorisés par le printemps quand l'oeuvre des Coen se nourrit de séquences hivernales et crépusculaires. La grosse déception, dès le départ, se situe sans doute au niveau de l'interprétation : si John Wayne, ben c'est John Wayne, un type né cow-boy (fait peut-être un poil le barbot dans les toutes premières scènes en forçant un peu le trait du type désinvolte - cela ne lui empêchera point d'avoir le seul Oscar de sa carrière, honneur on ne peut plus mérité), c'est surtout la jeune donzelle (Kim Darby) qui tape un peu sur les nerfs dans son interprétation un peu poussive de parfaite tête-à-claque. Difficile de ne pas faire la grimace dans sa façon de surjouer la plupart des scènes (elle les a pas volées, ses fessées...). Mais bon le gars John Wayne, et de solides seconds rôles (l'excellent Robert Duval dans le rôle de l'infâme Ned Pepper, Denis Hopper, en Moon, qui morfle sa mère...) tiennent la baraque et ce petit bémol est finalement vite pardonné.
John Wayne se taille la part du lion dans ce film où Hathaway filme magnifiquement les grands espaces : qu'il se laisse aller à la confession en racontant sa vie à la chtite (joli moment émotion), qu'il soit totalement avachi sur son cheval, attaqué par l'alcool, avant de se retrouver piteusement le cul par terre et de décider d'établir, juste au point de chute, le campement pour le soir (grand moment comique), ou qu'il décide, la rage au coeur, de s'attaquer en solo à un quatuor de bandits, jonglant avec les flingues (pur moment héroïque dans un décor filmé du haut d'une colline sublimement mise en valeur), le John joue avec art sur les registres. Difficile de ne pas s'attacher à ce Marshal Rooster Cogburn qui, malgré ses petits écarts par le passé (Ok, il m'est arrivé de piquer de la thune, mais c'était point pour le plaisir de voler, juste pour avoir des fonds et ouvrir un restaurant...) demeure jusqu'au bout un partenaire de confiance. Il se fait un devoir, pour une poignée de dollars, d'exaucer les voeux de la chtite plus pour le principe que pour la gloire et sort forcément grandi de l'aventure. La vraie bonne nouvelle de ces deux versions cinématographiques de True Grit, c'est que l'une a gardé au fil des ans tout son éclat, et que l'autre, celle des Coen, dans un style plus sombre mais tout autant maîtrisé, fera date dans l'histoire du genre. Western is not dead...