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28 janvier 2011

Les Désemparés (The reckless Moment) (1949) de Max Ophüls

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Petit budget pour Max Ophüls mais toujours grande classe : Joan Bennett (absolument parfaite dans sa capacité à garder la face autant que faire se peut, alors qu'une petite lueur de panique semble constamment luire au fin fond de ses yeux) est prête à tout pour protéger les siens en l'absence du pater familias. Pour empêcher à sa fille tout ennui, elle va aller jusqu'à dissimuler un corps mort accidentellement - un type louche qui avait une aventure depuis quelques temps avec son aînée. Si le corps ne va pas tarder à être découvert, une autre menace sans doute plus dangereuse que les détectives eux-mêmes plane sur la Joan : un curieux maître-chanteur (James Mason, un petit sourire narquois à la Columbo sur la face et une vraie nonchalance, voire un certain manque d'assurance dont on a du mal à voir au début tout ce qu'il pourrait cacher) exige de recevoir 5.000 dollars en échange des lettres d'amour de la fifille à ce type peu fréquentable... La Joan a beau tenter de la jouer décontractée - que prouveraient ces lettres pour la police, hein !, rien, ben alors... -, elle aimerait autant posséder cette correspondance pour que sa fille reste totalement en dehors de cette histoire. Mais 5.000 dollars, c'est une somme...   

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Ophüls excelle, comme à son habitude, pour mettre son intrigue "en mouvement" : qu'il s'agisse des séquences à la maisonnée où tous les membres de cette - grande - famille (du vieux père au plus jeune gamin) ne cessent d'aller et venir, des scènes en ville où la Joan, tentant de garder toujours la tête froide, trace son chemin au milieu de ces nombreux quidams (on choppe ici et là des bribes de conversation (joli sens du réalisme), le monde continuant de tourner normalement alors que la Joan a l'impression de vivre un enfer) ou encore des scènes "de couple" (celui formé par Mason et Bennett) où les deux se tournent constamment autour (comme pris dans un tourbillon sans pouvoir se permettre de mettre la main sur "la bouée"), la caméra du Max se fait particulièrement fluide, les nombreux plans-séquences s'enchaînant avec une merveilleuse légèreté. S'il s'agit, en surface de faire comme si de rien n'était, les zones d'ombre ne manquent point (Joan qui ne veut en rien trahir surtout auprès des siens, les multiples ennuis qu'elle traverse ; Mason qui ne veut point trahir la naissance de sentiments... ben ouais... pour la Joan), ce qu'appuient les poignées de séquences dans la pénombre. Notre pauvre Joan, fait son maximum pour ne point céder à la panique, pour tenter de mettre la main le plus rapidement possible sur ces maudits 5.000 dollars - plus facile à dire qu'à faire, on est po dans un vulgaire film de cinoche (hein, ben non, c'est du Ophüls, faut pas confondre quand même, c'est la classe au-dessus); alors que le Mason est à deux doigts de focaliser toute notre haine avec son petit air ironique et sa capacité à mettre la Joan dans la mouise, ce dernier ne tarde point à avouer sa faiblesse à sa "victime" : s'il ne tenait qu'à lui, il aurait abandonné depuis longtemps ce piètre chantage ; le gros problème, c'est son associé qui est, lui, bien décidé à toucher le pactole... Mason, vautour maître-chanteur, séduit bien malgré lui par la Joan, se fait soudainement protecteur... Sacré retournement de situation, l'air de rien.

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Mason sait parfaitement qu'il n'a pas la "classe" (sociale) pour arriver à la cheville de la Joan, comme le lui rappelle laconiquement son associé. Il sait parfaitement qu'il ne peut, du même coup, rien espérer, sentimentalement parlant, de la Joan... C'est peut-être finalement lui le plus "désemparé" des deux alors qu'à bien y réfléchir la Joan ne cherche finalement qu'à protéger son petit bonheur familial confortable... A défaut d'obtenir son amour, il peut espérer au moins gagner son respect... Le pathétique Mason se rêvant en héros romantique, en figure tragique ?... Et pourquoi pas ! Belle association en tout cas - la volontaire Bennett qui surestime sans doute sa capacité à encaisser, le mystérieux Mason qui se fait tout Chamallow au contact de la belle (deux "durs" à l'intérieur "mollet")-, leur "complicité" se faisant de plus en plus perceptible à mesure que la pression - et le suspense - augmentent (la police qui rôde sur la plage, vers la maison de Joan, et surtout l'associé qui décide de prendre les affaires en main...). Je m'attendais à une oeuvre "mineure" du Max, et mon petit coeur a palpité de bout en bout : un suspense bien mené avec une Joan Bennett en mère de famille protectrice au taquet et surtout, en creux, une romance qui ne peut pas dire son nom avec un James Mason en "fébrile vautour blessé (au coeur)". Ophüls vole toujours aussi haut dans mon estime.

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Commentaires
E
Ah oui, c'est bô, c'est du grand. Tu très très grand!<br /> <br /> Vous ne citez pas le très excellent roman série noire d'Elizabeth Sanxay Holding qui lui a servi de base. Voilà, c'est fait.<br /> <br /> Et j'aime aussi cette façon qu'il a, notre cher Max, de glisser tout près de son héroïne et de la suivre, de la suivre ( comme il sait si bien faire avec toutes ses autres héroïnes) qui se débat et se déplace derrière des fenêtres, des vitres, des palissades, des barrières, des barreaux, etc. etc. <br /> <br /> Classe, oui.
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