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Shangols
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15 janvier 2011

Lola (2010) de Brillante Mendoza

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Et c'est reparti pour une véritable plongée en apnée dans les rues de Manille aux trousses de deux "lola" - en tagalog, que je parle couramment, ça veut dire grand-mère : l'une enterre son petit-fils et a besoin de thune, l'autre tente de faire libérer le sien - qui a justement assassiné le précédent - et a besoin de thune. Deux Carmen Cru du cru, véritables grands-mères Courage qui tentent de vaincre leur arthrite et sillonnent tant bien que mal cette ville, alors que des trombes d'eau dignes du déluge s'abattent sur icelle (mon passage préféré restant celui où un type annonce, alors qu'il drache déjà po mal, qu'il préfère se remettre en route avant qu'il pleuve trop fort - ça doit être dur d'être du sucre, là-bas, m'est avis). Le caméraman reste toujours au taquet pour nous faire vivre ce véritable parcours de combattantes qui tentent, malgré l'adversité, de garder toute leur dignité ; quiconque a eu une grand-mère (et on est quand même pas mal dans ce cas) ne peut qu'être touché par le portrait de ces deux femmes, l'une méticuleuse (la scène où elle ne peut s'empêcher de redresser de deux millimètres les fleurs autour du cercueil) et fière (la façon qu'elle a de remettre subrepticement une mèche de cheveu en place pour se donner une contenance alors qu'elle quête sur une embarcation de fortune), l'autre maline (la petite arnaque au billet avec le client qui lui achète des légumes) et fière (son incroyable jusqu'auboutisme pour faire libérer ce gamin).

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Quand il n'y a pas grand-chose à attendre d'une quelconque justice dans un pays où tout se monnaye, il faut savoir parfois ravaler sa fierté pour avoir gain de cause (la libération) ou obtenir un quelconque "dédommagement" (un minimum d'argent pour tenter de survivre et s'occuper des siens...). Mendoza se mouille pour livrer un film sans concession ni volonté de misérabilisme (la courte séquence où l'on voit ces deux pseudo-réalisateurs qui filment la ville depuis un train comme s'il s'agissait d'un "cirque"), et livre quelques scènes qui oscillent entre grands moments de solitude (notre pauvre grand-mère devant les toilettes fermées qui n'a d'autres choix que de faire sur elle) et petits instants miraculeux (la pêche aux poissons voire la "chasse aux canards"). Les plans sur l'eau (diurnes et nocturnes) avec cette caméra à bord des barcasses sont d'une cinégénie incroyable et traduisent à la perfection ce sentiment de sérénité (la tête froide, c'est ça) qu'il faut savoir garder malgré des épreuves éminemment tragiques - alors que la vie, elle, continue infatigablement son cours. Ah oui, bon, sûrement quelques longueurs, certes, mais un tel voyage mettant en scène les petites et surtout les grandes misères quotidiennes philippines méritent un minimum d'effort. Toujours aussi brillant, le gars, ouais, parfaitement.   (Shang - 03/11/10)

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Superbe film, effectivement, sûrement le meilleur de Mendoza en ce qu'il est enfin libéré des quelques crâneries qui restaient encore dans ses oeuvres précédentes. Ici, si la mise en scène est encore très travaillée et très "visible", elle semble toujours juste, et la caméra mobile toujours justifiée. Sur ce sujet très noble, très beau, Mendoza choisit la seule option possible : coller aux basques de ses personnages, faire ressortir l'Humain, coûte que coûte, au milieu du chaos. Très simple dans sa narration, Lola l'est aussi dans son filmage, malgré la technique ardue de la chose : on imagine la difficulté d'être aussi près de ses acteurs, on devine les peines qu'il a dû avoir pour obtenir ce filmage presque clandestin, en pleine rue ; et pourtant, le film suit un chemin très net, et la narration rencontre avec bonheur cette sensation de cheminement, de voyage, de périple en ligne droite dans les rues de Manille. Malgré la sensation de gros bordel qui vient de ces plans décadrés, de ce constant vacarme, du rythme très rapide des séquences, on n'est jamais perdu, et plongé littéralement dans la vie.

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Lola parle aussi, en creux, de la crise économique, vue à travers les toutes petites gens. Il y a dans les mini-aventures de ces deux vieilles toute une thématique de l'argent, de la pauvreté, et surtout de la mondialisation et de l'exploitation des corps, qui est développée. Tout s'achète dans cette société, les légumes, les droits de propriété, les assurances, et surtout le pardon, le sentiment, l'indignation. Tout tend vers deux seuls buts : la vieille dont le petit-fils a été poignardé va-t-elle parvenir à trouver les moyens de lui faire un vrai enterrement ? et celle dont le petit-fils a tué va-t-elle pouvoir réunie la somme qui découragera les plaignants de porter plainte ? Tout est argent, et tout se résume en une quête désespérée pour trouver deux ou trois pauvres biffetons qui augmenteront la cagnotte. L'existence semble se résumer à cela : survivre économiquement, face à des puissants qu'on ne comprend pas (le procès se déroule en anglais, langue que la mamie ne comprend pas), et qui ne sait pas s'occuper de sa population (la mémé qui est obligée de se pisser dessus car rien n'est prévu pour elle) : dans des rues éreintées par la tornade, englouties sous les eaux, Mendoza filme le bas de l'échelle sociale dans le monde d'aujourd'hui. Il sait distiller à merveille les petites joies du quotidien (un gars qui retrouve sa télé, des poissons qui tombent tout seuls dans le bassin, des enfants qui s'amusent) au milieu de cette souffrance constante, de cette lutte éternelle ; il sait surtout capter la dureté de ses personnages, leur entêtement et leur grande beauté. Un film souvent très émouvant, toujours juste, et complètement fascinant.   (Gols - 15/01/11)

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