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5 janvier 2011

La Maison dans l'Ombre (On dangerous Ground) (1952) de Nicholas Ray

NRay_ODG1

Voilà un film noir qui commence de façon ultra corsée - Robert Ryan en flic sanguin, solitaire et violent - et qui, à mi-parcours, reçoit une grosse louche crémeuse de romantisme - Ryan croise le regard d'une Ida Lupino... aveugle et se voit touché en plein coeur ; on ne peut s'empêcher de penser à The Miracle Woman de Capra que l'on a découvert récemment, où un aveugle redonnait la foi à la belle Barbara Stanwyck. Assez inattendu, ce virage soudain opéré en plein milieu du film, au moment où l'on pensait que notre gars Robert allait s'enfoncer jusqu'aux genoux (il court dans la neige, clink, clink) dans son rôle de justicier incontrôlable. Tout le premier pan du récit est en fait assez effrayant vu le côté radical du Ryan : le visage impassible, refusant toute véritable communication avec ses collègues, on sent bien que "Jim Wilson", c'est son nom ouais, obsédé par la recherche de criminels, est en train de filer un mauvais coton. Il donne tout d'abord l'impression d'être simplement un type pur et dur qui prend son boulot à un peu trop coeur, jusqu'au moment où on découvre toute la rage enfouie en lui : il tombe sur un gars soupçonné d'entretenir des relations étroites avec deux criminels, et sa méthode d'interrogation n'est pas vraiment des plus diplomatiques ; le type finira certes par lâcher l'info mais on apprendra plus tard que le Jim, au passage, lui a tout de même éclaté la vessie - oups, c'est po rien. Son boss reconnaît qu'au taff il est indéniablement du genre efficace, mais le prévient d'y aller tout de même mollo avec les suspects. Tu parles, la première personne qu'il choppe dans la foulée - un type pris sur le fait en train de violenter une femme - ne devra son salut qu'à l'intervention d'un des collègues du Jim. Sévèrement rabroué, notre flic livre une confession qui fait froid dans le dos - "Un flic n'a aucun ami" - et son boss décide de lui faire prendre l'air en l'envoyant enquêter au dehors de la ville, en plein terrain neigeux.

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Ambiance Fargo, le délire en moins. Une chasse à l'homme est organisée pour retrouver le tueur d'une jeune femme. Notre gars Jim fait connaissance du père de la fille bien décidé à trucider le premier suspect venu. Nicholas Ray ne perd pas de temps puisque sitôt arrivé, un type en fuite a été repéré. Jim Wilson et le pater, qui s'accroche à son fusil, se retrouvent en tête du cortège, partent au cul du gars qui vient de voler une voiture, et c'est parti pour une virée infernale sur des petites routes verglacées. L'accident est inévitable, mais nos deux hommes retrouvent rapidement la trace du meurtrier : c'est là que notre ami Bernard Herrmann décide de faire péter ses cuivres pour nous rendre cette course-poursuite absolument haletante. Connaissant l'ami Jim et voyant à quel point le pater est un grand fou furieux, on voit mal comment le criminel ne va pas finir en steak haché... Une petite maison au loin dans la neige, une lumière au premier étage qui disparaît à leur approche, nos deux hommes s'engouffrent dans cette baraque sans vraiment prêter attention à la jeune femme qui les accueille sur le seuil... Le pater serait prêt à lui fendre le crâne pour qu'elle lâche une info, notre Jim, comme soudainement domestiqué, décide, miracle, d'employer la manière douce pour l'interroger. S'il met du temps à comprendre que l'Ida est aveugle, il est rapidement sous l'emprise de sa voix. Exit le pater, parti faire un tour, et nos deux coeurs solitaires de se lancer dans une longue discussion-confession comme tout surpris de trouver pour une fois un interlocuteur aussi attentif. Ida ne tardera pas à avouer au Robert qu'elle soupçonne son frère, qui se cache alentour, d'avoir commis ce méfait. Une totale confiance s'établit, la belle Ida demandant simplement au flic de procéder à l'arrestation de son jeune frère "en douceur"... Po gagné d'avance, le pater, de retour à la casa, étant constamment sur ses gardes...

on_dangerous_ground

Un changement brutal de ton, souligné par l'arrivée des nappes de violons du grand Bernard Herrmann lorsque l'Ida et le Robert se tournent autour, se flairent, se "découvrent", qui nous cueille : alors qu'on se dirigeait tout droit dans une mortelle randonnée, cette maison dans l'ombre et son occupante vont soudainement agir comme un baume sur l'âme du Robert. Pour la première fois de sa vie, il semble enfin prêter toute son attention à son vis-à-vis, et cette absolue confiance placée en lui va littéralement fracasser sa carcasse de justicier qui frappait jusqu'alors aveuglément. Un retournement de situation joliment amené et un Robert Ryan - même si l'Ida ne démérite point - absolument fascinant et convaincant dans ce rôle de flic au coeur glacé qui fond comme neige au soleil. De l'ombre, au Ray-on rédempteur. Bien vu.       

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Commentaires
P
Comme vous dites, un très beau film du Ray dans sa meilleure période. Retournement un peu expédifitif dans la dernière bobine mais l'ensemble est d'une telle inventivité formelle que ça passe pour un défaut négligeable. Un film qui confirme l'adage qui veut que si Robert Ryan joue dedans, il sera forcément bon.
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