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23 avril 2022

Film Socialisme de Jean-Luc Godard - 2010

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Voilà 6 ans que JLG ne nous avait pas gratifié d'un long métrage, un vrai, avec des acteurs. Eh bien, comment dire... ? On est en même temps tout fébrile de découvrir Film Socialisme, qui remplit moult promesses et comble moult attentes, et déçu de ne découvrir "que" ça, un objet moins révolutionnaire qu'annoncé, et qui se promène même parfois vers la faiblesse de style. Pour tout dire, on est sans arrêt balancé entre dévotion pour cette patte éternelle, unique, géniale, et énervement de voir le JLG revenir à de la pure cérébralité, alors que les films récents, longs ou courts, sont ce que le cinéma a fait de plus beau et de plus poétique depuis toujours.

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Première partie : on est sur un paquebot à la Fellini, un de ceux qu'on devine symboliques par la somme d'individus bigarrés qu'il trimballe. Et c'est exact : cette croisière de rêve est en fait une allégorie de l'Europe déconstruite, celle capable de brasser la grande Culture éternelle (philo, musique, littérature, peinture) et les basses spéculations du monde moderne (fric, divertissement, loisir envisagé du point de vue pascalien). C'est bien sûr la plus belle partie, puisqu'elle permet à Godard d'utiliser pleinement son génie du montage, du hiatus, du "chaos organisé" qui a fait sa marque : chocs musicaux, saturations de plans, travail sur la texture même de l'image, inspirations triviales ou hyper-sophistiquées : c'est un big bang sur-maîtrisé, destiné à dresser un portrait du monde contemporain dans tous ses excès. On peut chopper quelques secondes une conférence sur la géométrie, pour passer brusquement à un exercice de gym-tonic, pour rebondir sur une allusion aux criminels nazis en liberté, pour atterir sur une réflexion sur l'argent, pour redécoller vers une histoire d'amour, etc., le tout à travers un écheveau de sons et d'images impressionnant. 99% des références nous échappent, bien sûr, Godard pratiquant une sorte de codes de correspondances entre les plans qui n'appartient qu'à lui. Mais, souvent, on retrouve le grand JLG de For Ever Mozart dans cette sentimentalité entièrement poétique, qui cache sous la théorie cérébrale une sensibilité extraordinaire. Il y a dans ce chaos organisé tout un système de "rimes", toute une symphonie de l'amertume et de la solitude qui touche profondément. Malgré quelques plans un peu appuyés, un humour un peu douteux, ce premier tiers est d'une beauté qui fait plaisir à voir.

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Malheureusement, on quitte le bateau pour revenir à la terre ferme, avec une partie beaucoup plus narrative et beaucoup moins intéressante. Dans une station-service (la même que dans Je vous Salue Marie ?), des enfants fomentent une sorte de révolution contre leurs parents : ils ne les aiment plus, et veulent revendiquer leur droit à la liberté, à l'égalité et à la fraternité. Cette rebellion est filmée par une équipe de télévision assez ébahie. Tout ça est assez poussif, et du coup Godard délaisse complètement la poésie au profit d'un discours abscons qui laisse sur la touche. Même si on apprécie de voir le bougre diriger aussi bien les enfants (c'est nouveau, ça), même si ça et là résident encore de bien belles choses, on ne peut s'empêcher de comparer cette partie à quelques grands films "enfantins" de JLG (Pierrot le Fou est omniprésent dans ce môme insolent et plein de vie), au détriment de la cuvée 2010. Trop frontal (contre la télé, les adultes, le système, et j'en passe), le film vient butter contre son propre système, et nous perd pour de bon.

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Reste ce dernier quart-d'heure, magique, bouleversant, où Godard revient au pur montage, balançant ses acteurs aux oubliettes pour se livrer à un de ces puzzles d'images d'archives dont il a le secret. Les chocs des nations, l'horreur du monde, la tristesse d'être d'aujourd'hui, passent ici par des extraits de films (d'Eisenstein à Varda), des bouts de tableaux, des musiques prises dans tous les univers (Bashung, Pärt, Beethoven), des inscriptions à même l'écran. On est certes en terrain connu, mais c'est toujours immense de revérifier le génie godardien dans le recyclage des oeuvres d'art : la fameuse "troisième image" prend ici tout son sens, puisque les apparitions saccadées de toutes ces oeuvres finissent par construire autre chose, une image du monde désolante et magnifique. Bilan : une demie-satisfaction, donc, puisqu'il y a cette moitié de film vraiment chiante et inintéressante. Il n'en reste pas moins que Godard mérite bien entendu 30 palmes d'or. (Gols 17/05/10)


Veni, vidi, po tout compris mais j'ai décidé aujourd'hui (la journée des réalisateurs en Go) de me fier totalement aux commentaires éclairés et éclairants de mon camarade. Si Goupil était trop simpliste, Godard se fait souvent bien abscons (on est jamais content, bordel...) et le fil de ces pensées qui passent souvent du coq au lama m'a souvent paru bien difficile à suivre ; c'est le but du jeu, retors, godardien, bien qu'on ait parfois un peu l'impression qu'il se fait finalement des films... juste pour lui : le cerveau de Godard est immense et l'on perd pied dans ce dédale de métonymies imagées, musicales, citationnées... Ouh là, mon vocabulaire s'égare... On adore quand Godard filme des discothèques comme des champs de guerre (un son et une image sur-sur-saturés du meilleur effet), évoque Hollywood, Mecque du cinéma... fondée par des Juifs, découpe les mots en deux pour en puiser toute la sève (Hell as - pas mieux)...  Sinon, faut voir - c'est pratique comme expression... Godard a autant de foi en l'Europe qu'en l'avenir du cinéma, c'est un fait qu'il exprime du haut (du sommet...) de son art (du montage) à nous, petits spectateurs dans l'expectative, qu'il énonce en nous faisant visiter des ports (symboliques, tout à fait) en nous laissant souvent à quai. Le meilleur film sur les croisières Costa, sur la politique française dans une voie de garage, sur des humanités pas toujours reluisantes, pour le reste, franchement, no comment. (Shang 28/12/10

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Godard a réalisé une série de bande-annonces pour ce film. On sent bien que l'exercice l'agace un peu, mais il s'y est plié, déclenchant plusieurs arrêts maladie chez les diffuseurs à mon avis.

Bande-annonce "classique" (4'25) : JLG donne un aperçu de son film, comme toute bande-annonce qui se respecte. En découpant tout ça en quelques grandes thématiques (une douzaine, en gros, "Palestine", "De l'or", "Des histoires", "Egypte", "Des Paroles", etc.), il induit avant même la vision du Grand Œuvre un classement, un sens de lecture. La question est : est-ce que ça donne envie de voir le film ? Eh bien oui et non. Pour ceux qui détestent Godard, ils relèveront l'amateurisme de certains plans (Film Socialisme n'est pas un modèle de rigueur esthétique), le côté sibyllin de ce qui nous est raconté ; pour les fans, ils se pourlècheront les babines devant ces plans saturés de couleurs, devant ces images de peinture ou de sculpture, et devant les petites friandises que le film leur fait attendre (Patti Smith en guest, un lama impayable, Alain Badiou qui passe par là).

Bande-annonce 2 (4'06) : C'est bien simple, vous avez là tout le film du début à la fin... mais passé en 4 minutes. C'est assez impressionnant de regarder un film de Godard en accéléré, on le comprend presque mieux qu'en vitesse normale. En tout cas, toujours aussi sarcastique, notre JLG fait son bougon et propose la bande-annonce ultime : vous voulez avoir un aperçu de ce que va être le film ? voilà. Quelques motifs se détachent dans le magma, un geste, une attitude, un long passage consacré aux images d'archives, l'apparition de cet enfant, les trois parties du film très découpées. Mais l'impression qui reste est un chaos d'impressions. Heureusement, Godard inscrit à nouveau, en vitesse normale, quelques grands titres de chapitres, réorganisant un tout petit peu le désordre. Est-ce que ça donne envie de voir le film ? Oui, pour que tout ça s'arrête, et parce que, mine de rien, cet acte insolent fait espérer le meilleur.

Bande-annonce 3 (2'10) : Même chose, mais encore plus concentré puisque celle-ci ne fait plus que 2 minutes. On a du mal à saisir ce qui se passe à l'écran, aussi on se raccroche aux mots : plus que quelques grands titres, ramenés à l'essentiel : Choses, histoires, paroles, animaux, enfants, légendes, ... Seules les séquences un peu longues (ce plan sur un philosophe qui monologue longuement) marque la rétine, sinon tout le reste défile de façon hystérique. A noter aussi que cette version-ci est muette, bon, à noter.

Bande-annonce 4 (1'48) : Ah tiens, de la musique cette fois-ci, un lamento inconnu de mes services, mais qui donne à cette version un aspect tragique certain, qui lui va finalement bien au teint : c'est ma version préférée, celle qui m'aurait fait aller voir le film. Pourtant, c'est toujours le même principe du film en entier accéléré, on sent bien le foutage de gueule du père Godard. On distingue ça et là quelques liges du film, quelques directions, quelques tendances, ça vous met en appétit, quoi...

Bande-annonce 5 (1'11) : On peut encore épurer, se dit le cinéaste helvète. A peine une minute pour cette nouvelle version, qui, il me semble en tout cas, ne met pas le film en entier, mais opère des coupes dans les séquences. Retour au muet, c'est austère à mort. Quelques titres refont leur entrée ("De l'or", "Des salauds"), ça devient vraiment n'importe quoi...

Bande-annonce 6 (1'07) : Et on termine au bord de l'épilepsie avec cette ultime version, on sent bien qu'on ne peut plus guère accélérer. Bon, rien de neuf, on commence à apprécier de revoir certains plans (le gosse qui touche les cheveux de sa mère, la corrida, la fille au bonnet blanc), mais on est bien content que ça s'arrête, on a compris la leçon.

God-Art, le culte : clique

Commentaires
J
La même année, avec le même Darry Cowl mais drivé cette fois par Jean Dréville, sort "à pied, à cheval et en spoutnik"... mais, curieusement, Jean-Luc n'en dit rien... bigre !
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P
Hi hi hi, bonne année è tous, je vous écris du Québec. Je vois que Mitch rôde toujours dans l'éparage.
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H
Je viens de voir "Le Temps des oeufs durs" d'Hubert Carbonnaux (ne pas confondre avec Hubert Dragonneau)<br /> <br /> Yep. <br /> <br /> Je vous vois ricaner devant votre saison 3 de Twin Peaks.<br /> <br /> Le temps des Oeufs durs (ça scintille sur le générique), c'est un petit bricolage pas très bien bricolé mais très très charmant, abstrait, et absurde. Un de ces petits trucs français comme il s'en tournait par brassées à la fin des années 50, bourrés de seconds couteaux. <br /> <br /> Sauf que.<br /> <br /> Ici, c'est Darry qui s'y cowl en tête de noeud et d'affiche. Y a Pierre Mondy en maître nageur, Carette, Dufilho, Emilfork...<br /> <br /> N'avais jamais ouï parler de ce film. Et parierais bien que peu d'entre vous non plus. <br /> <br /> Généralement, n'ai aucun appétit pour les oeufs durs, ça pue dans les trains et ça étouffe son chrétien. <br /> <br /> Mais... mais... une critique de l'époque de Godard Jean-Luc m'a bigrement interpellé : <br /> <br /> Cette phrase :<br /> <br /> "Tous les quarts d'heure, une idée éblouissante d'ingéniosité poétique fait perdre les pédales au spectateur... Carbonnaux a l'ironie virevoltante qui empêche le rire en même temps qu'il le déclenche."<br /> <br /> <br /> <br /> Le Temps des oeufs durs. Donc.
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T
Un journaliste de Libération, en mai 1976, à propos du Godard de COMMENT CA VA:<br /> <br /> "Il procédait d'une certaine maïeutique socratique, à ceci près: c'est qu'elle nage dans une confusion sublime. C'est à la fois lumineux et totalement obscur, profondément chiant et profondément passionnant."<br /> <br /> De même, toujours, aujourd'hui...
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G
Je nous croyais champions de la parenthèse dans la parenthèse dans la parenthèse, mais je vois que nous avons un sérieux concurrent. Pas très bien compris ton développement, Poire, mais tu es bien sûr le bienvenu avec tes commentaires. Et on attend les prochains avec impatience.<br /> J'ai vu le nouveau Godard grâce à la VOD, puisque le film était proposé lundi et mardi en téléchargement légal en même temps que son passage à Cannes. Cela dit, il sort aujourd'hui en salle.<br /> "L'art comme expression sensible d'une idée", mmm, ça demande développement, je ne saurai trop me prononcer. Mais comme le dit Godard, justement, dans une interview récente, il ne cherche pas à dire, mais à montrer, à évoquer... Dire l'indicible, oui, ça me semble bien être une des vertus du cinéma, son aspect chamanique pour ainsi dire. Mais bon, j'attends la fin de ton concours pour en papoter tranquillou avec toi par le biais de ce blog. <br /> PS : je suis pour ma part contre l'innervation du coecum, je ne supporte pas qu'on fasse du mal aux bêtes.
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