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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
22 décembre 2010

Le Guerrier silencieux (Valhalla Rising) de Nicolas Winding Refn - 2010

Grand bonheur de voir Winding Refn revenir au sommet après un Bronson un peu en-dessous. Pour cette fois, les références, pourtant écrasantes (Kubrick, Tarkovski, Coppola, les premiers Barbet Schroeder), sont parfaitement justifiées et assumées, et Valhalla Rising est d'une troublante originalité, d'une énorme ambition.

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Ca commence comme un film de vikings moyen : hyper-violence, emphase des décors et des ambiances, vague contexte historique pour justifier le bidule. Déjà, dans ces premières séquences impressionnantes, on perçoit l'étrangeté du regard, "l'allanguissement" du rythme, qui surprend pour ce type de production. On fait donc connaissance avec One-Eye, guerrier muet et sans pitié, sorte d'anti-héros à la Eastwood, en 2000 fois plus violent. Âpreté des scènes, frontalité de la violence, le scénario déroule son fil rapidement et sans discours, comme pour se débarrasser vite fait de sa trame pour mieux en venir au coeur de son projet. Car au bout de 20 minutes, le film s'arrête presque, abandonne sa piste narrative pour devenir une sorte d'objet contemplatif halluciné et hallucinant. One-Eye suit les pas d'un groupe de cathos bien décidé à trouver la Terre Promise, quitte à évangéliser par l'épée les païens croisés sur leur route. Le trip commence par une traversée de l'océan, prétexte à une sur-stylisation complète de l'esthétique : on pense à Stalker dans cette espèce de road-movie immobile, pris dans les brumes, où tout (trame, personnages, dialogues, décors) semble se dissoudre dans un univers uni, abstrait. Une demi-heure de temps suspendu, où on perçoit enfin le projet du film : transformer un genre (ou un sous-genre, le film de vikings donc) en quête métaphysique sous amphète, en voyage mystique mis concrètement en scène. Stalker, oui, mais surtout 2001 : pour cette fois, et après l'essai raté de Bronson, la référence kubrickienne est éclatante. Le rythme surtout, lentissime (une grande partie du film est au ralenti), contemplatif, délétère, rappelle le chef-d'oeuvre originel ; mais le scénario aussi : ce qu'on croyait être un film d'action de plus se change en longue hallucination, conclue comme chez Kubrick par une résolution onirico-baba-cool du meilleur effet. L'arrivée des personnages sur une île bien symbolique (eden ? enfer ? bout du monde ?) va faire complètement basculer le film dans l'abstraction, délaissant pratiquement le scénario pour ne se concentrer plus que sur l'intérieur, la théorie pour ainsi dire, le questionnement religieux et métaphysique.

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Refn déjoue toutes nos attentes : si son film reste spectaculaire de bout en bout, si on ne s'ennuie jamais grâce à la science du timing incroyablement maîtrisée, on n'aura pas pour autant droit à un film pour ado. Plutôt à un Objet Filmique Non Identifié d'une belle démesure, très personnel, d'une splendeur visuelle extraordinaire, qui prend son public pour des gens intelligents et adultes. On n'attendait pas cette émotion qui éclate dans les derniers plans, on n'attendait pas une telle rigueur dans le dessin du personnage principal (impeccable Mads Mikkelsen, sobre et intense), on n'attendait pas une telle absence de concessions. Refn se mesure avec culot aux plus grands, et n'a pas à rougir de la comparaison. Un grand film. (Gols 17/08/10)

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On aura décidément bien du mal à se mettre d'accord avec l'ami Gols sur notre petite liste de fin d'année 2010. Non point que cette dernière mouture de NWR m'ait particulièrement tapé sur le système, juste une furieuse réserve sur le fond de la chose : après un départ tonitruant qui montre que notre gars n'a pas perdu la main quand il s'agit de mettre en scène la violence, nous voilà donc embarqués dans une longue traversée dans un brouillard à couper au couteau jusqu'à l'Enfer - c'est po moi qui le dit, mais le gentil titre du chapitre dans le film ; le gros problème c'est que si cette brume se lève pour nos amis Vikings chrétiens, le spectateur a tendance, lui, à un peu y rester, dans le brouillard... Parvenu en ces terres sauvages - bien aimé le côté "Apocalypse Aguirre Now" avec ces flèches qui viennent de nulle part : NWR a de bonnes références -, notre ami One-Eye ne se résout toujours po à nous dire quoi que ce soit (pas facile à partir de là de connaître son monde intérieur, si je peux me permettre): il entasse des gros galets (se reconstruit pierre par pierre, est obsédé par le monolithe kubrickien, s'amuse, se fout de notre gueule ?), se baigne (on aura droit à cette "image manquante" en toute fin... un baptème, une renaissance, j'ose tenter (?)), devient une sorte de leader - nos trois gaziers encore vivants qui le suivent - et se sacrifie (merci encore une fois le découpage en chapitres, on aurait peut-être compris cette idée, ceci dit, à défaut du reste) pour sauver la petite tête blonde : genre nouveau prophète, quoi (les images en rouge qui parsèment le film semblant montrer que notre gars a un don de prémonition méchamment développé), un prophète des enfers (je sais pas, je me lance, on nous laisse dans le flou - toute autre spéculation demeure la bienvenue) dont le discours se limite à... ben à rien en fait, sauf que le gars est super fort et que, franchement, respect... Il y a là-dedans un petit côté métaphysico-poseur qui me laisse un peu baba, personnellement... Si, en effet, NWR a un certain courage à donner une inflexion subite à son récit (de l'ultra-violence au zen - c'est reposant ces jolis paysages, c'est vrai), ce virage soudain (genre, soyons sérieux maintenant les gars et jouons au film d'auteur) débouche sur un précipice pseudo-mystique terriblement creux - je sais pas, pourrait communiquer un peu, notre héros, au moins cligner de l'oeil, le bon. A tout prendre, je préfère autant la sauvagerie pleinement assumée d'un Van Diemen's Land (même combat pour la survie dans un paysage guère accueillant) où on ne cherche pas au final à nous bourrer le mou avec des "visions cosmiques qui nous dépassent", tu vois... La force visuelle de l'oeuvre de NWR est indéniable, pour le reste je reste beaucoup plus sceptique. (Shang 22/12/10)       

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Commentaires
P
J'ai trouvé pour ma part ce film confit d'une prétention artistique crasse doublé d'une esthétique abominable. N'est pas Tarkovski ou Herzog qui veut. Je me garde "Bronson" pour plus tard mais, à vous lire, je risque d'être encore plus déçu.
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G
Ah grand merci, omsk. Je ne savais même pas que des gens venaient sur ce blog tous les jours. Bien content du coup de faire votre connaissance, et bien content aussi que ce soit par le biais du bon Winding Refn. D'autant que le Guerrier Silencieux était précédé de critiques catastrophiques. Bien vu, l'allusion à Herzog, c'est juste. Si vous avez l'occasion, jetez aussi un oeil à Bronson, le film qu'il a fait entre les Pusher et celui-ci : c'est moins bien, mais il y a indéniablement une marque-Refn. Comme vous dites, critique et spectateur ne sont pas opposés : la preuve est que ni Shang ni moi ne sommes critiques ; nous sommes définitivement spectateurs. Revenez quand vous voulez laisser un commentaire ici, ça gonfle notre ego et c'est toujours sympathique de papoter sur le cinéma entre nous.
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O
Ça fait un an et demi facile que, chaque jour, je viens lire vos critiques. Je commente pour la première fois car c'est la présente chronique qui m'a poussée à regarder "Le guerrier silencieux". Certes, je l'ai fait en streaming (dont la qualité n'était pas immonde, bien que le film, par sa photographie, se prête particulièrement à l'exploitation en salles) et ai grandement apprécié l'exercice, peut être plus par son projet minimaliste que par sa forme (excellente au demeurant).<br /> <br /> J'ai au départ craint que le film ne bascule dans la mièvrerie avec une place trop importante accordée à l'enfant. Le déroulement est allé à l'encontre de cette idée, bercé par une nature omniprésente et sublimée me rappelant un peu le Aguirre d'Herzog. <br /> <br /> Séduit, j'ai acheté directement la trilogie Pusher (qui jouit d'un bon rapport qualité prix) et, là encore, ai trouvé mon bonheur : du lieu même (Copenhague à l'encontre des clichés) en passant par les acteurs et la trame. Le seul bémol restant la scène finale du III où j'ai eu le cœur au bord des lèvres. Cette plongée sociologie de haute tenue m'a donc poussé à déposer un commentaire, appréciant l'intelligence de ce passage de témoin critique-spectateur (les deux n'étant pas opposés).<br /> <br /> Bonne continuation.
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H
Bien que je n'ai pas aimé les Pusher, j'ai regardé ce film avec un certain intérêt. J'ai avant tout aimé la photo et la réalisation mais surtout le parti pris totalement anti-commercial avec cette lenteur hypnothique qui peut en décontenancer plus d'un.<br /> Le réalisateur démarre donc avec tous les points d'un film barbare avec cet esclave muet et borgne utilisé pour des combats violents, puis le film utilise des points d'un film d'odyssée et enfin d'un film d'aventure sans jamais aller dans la direction que tout un chacun aurait suivit. Du coup, un film qui peu décourager le spectateur ou qui peu l'envouter. <br /> La fin est dans l'ambiance du reste du film.<br /> <br /> Au final, un film superbement réalisé, bien interprété, qui est assez contemplatif, lent et hypnothique.
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