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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
9 décembre 2013

Enter the Void (2010) de Gaspar Noé

Certains crient au premier chef-d'oeuvre du XXIème siècle, d'autres auraient préféré couler l'Arche plutôt que d'assister à un tel délire. Bon, je ne sais pas ce qu'ont fumé les premiers, mais à mon avis, ils ont dû s'endormir pendant la dernière heure - au moins. Parce que franchement se taper une heure de plan à la verticale (Dieu est à la caméra) pour conclure sur un "plan à l'horizontale" - ça baise à tout va - et nous faire pénétrer (je pèse mes mots) 1) dans le vagin d'une femme (classe, oh mon Dieu, tiens, une grosse bite qui frappe à la porte !) 2) dans un spermatozoïde (Woody réveille-toi, ils sont devenus fous) 3) dans un ovule (logique, ouais)... nan, sincèrement, qui peut cautionner une telle chose ? Certes, Noé, type d'une humilité ravageuse, s'est inspiré de 2001, l'Odyssée de l'Espace, ce qui est tout à son honneur... mais à un moment donné, faudrait quand même lui dire qu'il déconne un poil - et quand je dis un poil, on parle malheureusement bien des mêmes... On attend malgré tout avec impatience son prochain film, encore en caméra subjective, qui raconte les aventures d'un coton-tige et d'un tampax qui finissent par organiser une partouze géante dans les poubelles - moi aussi, attendez, je peux déconner, à partir de là. Allons, revenons dans le vide du sujet...

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Au delà des apparences, je suis loin d'être le premier à cracher sur l'univers du gars ; pour tout dire, j'ai même été jusqu'à parler en bien d'Irreversible et de Seul contre tous (on n'a pas d'enregistrement mais faut me croire). D'ailleurs, toute la première partie du film (grosso modo) n'a rien d'une supercherie. Gaspar est doué pour mettre en image ses envies les plus folles et le bougre est souvent capable de nous couper littéralement les pattes avec ses délires visuels : l'intro du film est ainsi entièrement filmée en caméra subjective, et franchement il n'y a pas grand chose à redire au niveau de l'enchaînement des séquences. Noé nous gratifie même d'un plan dans un miroir qui ferait mourir de jalousie Kassovitz (l'époque où il faisait des films - La Haine) et cette mortelle randonnée d'un petit dealer (Oscar) dans les rues de Tokyo est, à défaut d'être totalement virtuose, assez bien menée. On pourrait, certes, couper toute la séquence des visions psychédéliques avec les graphismes en rosace piqués à un fond d'écran de TO7 70 (un terrible petit côté kitschouille le Gaspar, cela ferait presque penser aux grands moments de Blueberry (putain, je l'ai vu cette daube, j'en ai encore honte) de son pote Jan Kounen), mais jusque-là, ça se tient. Gaspar va nous expliquer ensuite quels sont les liens particuliers que ce pauvre dealer, dont la vie est partie dans les toilettes, entretenait avec sa soeur. C'est le côté toujours un peu cucul de Noé qui nous emmène dans un petit trip fleur bleue genre "à 8 ans, on a fait la promesse de ne jamais se séparer, à la vie, à la mort"; l'enfoiré nous secoue tout de même salement avec l'accident de bagnole des parents. Au niveau du "attendez je vais vous prendre par surprise", le bougre nous bouge de notre fauteuil comme un palmier par temps de cyclone. Ce n'est pas vraiment fait dans la dentelle, mais c'est foutrement efficace. On remonte donc jusqu'au jour J (l'intro du film), en nous racontant gentiment la façon dont Oscar a fait son trou au Japon comme petit dealer : il est parvenu ensuite à faire venir sa soeur qui occupe le prestigieux emploi de strip-teaseuse (ça semble sa meilleure qualification professionnelle, honnêtement - si je bossais à Pôle emploi, je lui aurais conseillé la même filière, clair). Et pis voilà, à fréquenter des gens peu fréquentables, à coucher avec n'importe qui, un jour ça déconne, ma grand-mère avait raison ("un jour tu trouveras ton maître, Shang", me lançait-elle en colère). Franchement, si on s'était arrêté là, il n'y avait pas le feu (à la Dame du..) au lac. Noé gère ses plans-séquences avec un vrai savoir-faire, on sent partout sa petite patte de cinéaste original (il y a dix fois plus d'audace dans deux minutes de Noé que dans l'oeuvre complète de Philippe Lioret), c'est un peu casse-bonbon au niveau des couleurs flashy quand on est un fan de film noir, mais bon, on va pas refaire son univers.

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Et puis vient ce grand moment où l'âme d'Oscar se met à planer dans les airs - la "décorporation" qu'il dit, le Noé... c'est quoi alors d'après lui la "démasturbation intellectuelle" ? Passons - : les mouvements de la caméra à la verticale sont assez rigolos au début jusqu'à ce qu'on se rende compte rapidement qu'on est dans le grand n'importe quoi : le scénario tient sur une éponge pour faire la vaisselle (on suit les différents protagonistes du récit via cette âme qui se déplace à 2km/h au dessus de la ville - c'est bien foutu mais chiant à mourir) et ce voyage infini se termine par une séquence mystico-incestuo-sexuo-ovulaire qui ferait presque marrer si on ne s'était pas déjà assoupi à moitié (Petit conseil d'ami : faudrait qu'il rencontre, Gaspar, dans l'ordre 1) un monteur (ça nous ferait gagner du temps); 2) un oculiste (gros problème sur les flous et les couleurs, le bougre, il doit avoir le même problème que les mouches si on en croit les spécialistes ; 3) un psy (il n'a pas de soeur, rassurez-moi ?). Le pari de ces "plans volants" est joliment gagné, mais franchement on aurait envie que la caméra revienne rapidement sur terre et ose nous raconter quelque chose d'un peu moins fumeux (le genre de film qui ferait arrêter la drogue à tout cinéphile, j'en mets ma veine à piquer). Je ne demande pas à Gaspar Noé de faire du Claude Sautet (je vois bien que c'est pas son délire, je me demande même s'il connaît - s'il veut faire que des porno, y'a pas de problème non plus), juste d'arrêter trois secondes de prendre "de grands airs" avec sa caméra ailée. Sinon c'est clair que les titres de ses films vont finir par résumer l'essentiel du contenu...   (Shang - 21/11/10)

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Ah moi j'avais cru le Shang sur parole, et puis contrairement à lui, Irréversible m'avait arraché des vagues de fou-rires (le viol de la gonzesse avec son bras en l'air, eheh) : j'avais donc fait l'impasse sur Enter the Void, qui sentait le nanar proto-bessonien à plein fumet. Mais qu'est-ce que vous voulez, à force d'entendre que voilà le film le plus sous-estimé de la terre et qu'on avait droit à une pure fulgurance stylistique, je me suis envoyé la chose dans les narines. J'en ressors tout aussi pantois et gisant que mon camarade de jeu, littéralement consterné et par le projet et par le résultat. La seule question qui vient aux lèvres après l'éprouvante vision de la chose : pourquoi ? Qu'est-ce qui a bien pu germer dans la tête de Noé pour nous proposer un film aussi inutilement sophistiqué, virtuose sans nécessité, et surtout aussi vide et prétentieux ? La seule envie du sieur semble être d'épater la galerie, et s'il s'est inspiré de 2001, c'est qu'il n'a dû en voir que la bande-annonce. Ca ne raconte rien, mais ça se pique d'une atmosphère mystico-ésotérique à la Terence Malick (cinéaste avec lequel il a plus d'un point commun) qui cache habilement le creux : ouais, les gars, la mort n'est qu'un état transitionnel, et la réincarnation c'est pas pour les cochons. Il fallait oser, je ne dis pas, plonger ainsi dans les soubassements du mauvais goût, du kitsch et de la surrenchère, et s'il est une qualité dont Noé est dôté, c'est bien l'inconscience : jamais il ne semble voir le problème, et il plonge tête baissée dans les pires idées. On les voit d'ailleurs venir à l'avance : non, il va quand même pas plonger dans le trou des chiottes ? non, il va pas nous montrer une éjaculation en caméra subjective ? non, il n'imagine pas que l'héroïne fasse un effet aussi laid (on dirait "colorie toi-même tes mandalas") ? Si, et le maître ne se prive pas de nous balancer sa vision effrayante de ce qu'est un génie façon leçon de cinéma sur 3 bonnes heures. Oser faire les choses n'est pas forcément synonyme de talent, je dirais pour conclure. Pour le reste, mon compère Shang a tout dit, et pour nous résumer tous les deux en trois lettres : c'est nul.   (Gols - 09/12/13)

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