Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
17 novembre 2010

Le Ventre de l'Architecte (The Belly of an Architect) de Peter Greenaway - 1987

On ne peut qu'admirer la parfaite maîtrise et la sophistication très raffinée du cinéma de Greenaway ; on est aussi en droit d'en réclamer un peu plus d'émotion. Regarder The Belly of an Architect, c'est assister à une installation extraordinairement riche, à un exemple d'intelligence visuelle et thématique, mais c'est y assister extérieurement, sans être happé par la chose.

ventre_de_l_architecte_greenaway_belly_architect

On connaît la passion de Greenaway pour les mathématiques. A travers ce portrait d'un architecte obnubilé par un de ses maîtres, auteur de conceptions graphiques insensées et qui ne peuvent absolument pas voir le jour concrètement, c'est à un nouvel exemple de cette passion qu'on assiste : tout est géométrique dans les plans du film, des colonnes et autres ouvertures cadrées qui entourent les personnages pour fabriquer de petits écrans au sein du grand jusqu'à la thématique de la sphère qui est filée tout au long du métrage. L'harmonie extraordinaire des plans vient de là, de ce goût pour la symétrie, pour le contre-point visuel. Ces formes (que l'auteur qualifie de platoniciennes, débrouillez-vous avec ça) débordent sur le sujet même du film, puisqu'il est question surtout là-dedans de ventres, leurs rondeurs, leur nombril, leur pourrissement de l'intérieur (le héros a un cancer de l'estomac), les bébés qu'on y trouve. De la forme sphérique jusqu'à la métaphore de l'enfantement et de l'impuissance créatrice, Greenaway ne fait qu'un bond et livre un film d'une cohérence diabolique. Les plans sont franchement splendides, grâce aussi à ces allusions à la peinture (Pierro della Francesca copié tel quel), au collage pop-art, et bien sûr à l'architecture, véritable héroïne du film : Rome est montrée par ses seules traces humaines, monuments célèbres, intérieurs raffinés ; nulle place pour la nature, pas de ciels, pas d'arbres, ce qui, là aussi, s'avère être une très bonne idée pour donner une patine encore plus sophistiquée à l'ensemble.

3

Le scénario, complexe, érudit, aux entrées multiples, et dont on sent bien qu'on n'attrappe qu'une toute petite partie des sens, se déroule sur 9 mois, de la conception d'un enfant à l'accouchement, des préparatifs d'une exposition à son vernissage. La conception humaine et la conception artistique vont de paire, les deux tout aussi douloureuses, les deux tout aussi confrontées au doute et au malheur. Le film regorge de parallèles entre reproduction artistique et reproduction humaine, peinture, sculpture, photo, photocopie, et jusqu'à l'accouchement final. Krachlite (excellent Brian Dennehy) est un artiste à l'égo démesuré (le nombril...) obsédé par son projet de faire découvrir, par une expo, Boullée (la boule...), architecte du XVIIIème, visionnaire et à moitié barré. Il va se heurter non seulement à son cancer, mais aussi aux soucis financiers, à l'infidélité de sa femme, et surtout à la panne d'inspiration. L'expo lui sera confisquée, tout comme sa femme et son enfant à naître. On voit bien que Greenaway veut dire 11000 choses, on lui en sait gré, mais le film est peut-être trop savant, trop cadré au millimètre, trop sclérosant en fin de compte pour vraiment nous donner l'occasion de développer notre intelligence ou notre imagination. Trop de perfection et de maîtrise tuent l'émotion, et on regarde ça comme un splendide objet sous verre. Plein les mirettes, plein le cerveau, mais le coeur reste à la traîne. Mes respects pourtant pour ce cinéma exigent et cérébral qui sait aussi être un régal de mise en scène. Et, au fait, il est devenu quoi, Greenaway ?

In_the_bath

Commentaires
Derniers commentaires