Conte d'Automne d'Eric Rohmer - 1998
Décidément la série des "Contes" n'est pas la plus inspirée de l'oeuvre de Rohmer, et ce Conte d'Automne atteint même de temps en temps des cîmes en matière de casse-bonbons. De l'automne, le gusse garde deux choses : la délicieuse lumière orangée, et les vendanges. Nous aurons donc droit à une gentille chronique campagnarde à base de vignes et de couleur orangée. Dans cette exploitation (mot que la propriétaire des lieux déteste, et dans lequel on entend aussi un terme cinématographique que Rohmer ne devait guère porter dans son coeur) vit une célibataire quarantenaire de caractère, en manque d'amour mais trop isolée pour trouver l'homme de ses rêves. Son entourage féminin va se mobiliser pour lui trouver la perle rare, ce qui donnera une scène de mariage marivaudienne où deux hommes se pressent autour de la belle. C'est l'habituelle mélodie du gars Eric, à base de petits pincements au coeur et de discours qui tentent d'épuiser l'amour. Avec cette différence importante qu'ici, les mots sont toujours trompeurs : on se fait passer pour une autre, on cache ses sentiments, on trompe l'autre en lui servant des mots attendus, etc. Sous le soleil éclatant de la campagne, chacun se dissimule derrière les discours, jusqu'à brouiller les pistes des rapports entre les gens. On ne sait plus à la fin qui aime qui, qui est attiré par qui, chacun de nous est reparti dans l'tourbillon d'la vie.
Il y a quelques jolis moments là-dedans. On a droit par exemple à une longue scène finale en voiture, très habilement découpée en champs/contre-champs classiques pour isoler les protagonistes ; ou à un acteur touchant (Alain Libolt) qui illumine soudain le film ; ou à quelques scènes ambigües relativement bien écrites (toute la partie où Marie Rivière fait croire à Libolt qu'elle le drague, alors qu'elle le "teste" pour savoir s'il conviendrait à son amie). Mais pour quelques instants de grâce, et qui encore n'atteignent jamais la beauté de Conte d'Eté par exemple, on s'enfonce dans une chronique ennuyeuse, bancale, mal interprétée, qui gave franchement. Les deux comédiennes principales (Rivière, donc, et Béatrice Romand) sont rompues au système-Rohmer et s'y enfoncent avec délice sans se rendre compte qu'elles en recopient seulement les défauts : une artificialité de jeu et une palette d'improvisation limitée. Elles sont plus qu'énervantes, et du coup leurs personnages s'en ressentent : pour cette fois, ces deux femmes apparaissent clicheteuses, et le regard de Rohmer sur elles perd toute bienveillance. Ne pouvant aimer les personnages, on finit par ne pas aimer non plus le film, qui montre un Rohmer franchement paresseux recopier (mal) ce qu'il sait faire sans chercher plus loin. On se désintéresse très vite de cette historiette beaucoup trop futile. Trop de légèreté peut tuer la légèreté, parfois.
L'odyssée rhomérique est là