untitledSous ce titre ambitieux se cache tout simplement un missile sol-sol, et vous me voyez à l'heure qu'il est ravagé par ces pages impressionnantes, violentes, furieuses, hilarantes et prodigieuses. Je connaissais mal Pennequin, et c'est une surprise totale de découvrir cette plume inouie. A mi-chemin entre le pamphlet à la Céline et la poésie la plus abstraite, à la jonction entre farce punk et néo-romantisme, Comprendre la Vie n'est absolument pas résumable. C'est juste, à travers des textes-logorrhées qui s'entremêlent et se chevauchent, un long crachat à la face du monde, une attaque en bonne et dûe forme contre tout : la famille, la télé, les faux-semblants, l'enfance, l'école, l'amour, la narration, Beckett, la littérature, le bon goût, Plus belle la vie, la gauche, la droite et les cochons... avec toujours, bien caché sous ces grotesques insultes, un questionnement douloureux sur l'amour, l'appartenance au monde et surtout le langage. Les limites d'icelui, éternel sujet de la littérature depuis au moins 100 ans, sont traitées ici directement par la forme : le texte, martelé, scandé, monotone, est une sorte de work-in-progress qui se laisse aller aux sauts de sons autant que de sens. Un mot en évoque librement un autre, que Pennequin note sans se soucier du sens, juste pour voir, livrant finalement des pages complètement vouées aux correspondances, aux associations visuelles ou sonores bien plus qu'à une quelconque profondeur. Tant pis si ça ne marche pas à chaque fois : il importe de laisser aller la pensée, dans une écriture automatique dédiée à l'imagination, au lâcher-prise.

Jamais eu jusqu'à maintenant un tel sentiment de livre "en train de se faire" sous nos yeux : Pennequin tâtonne, essaye, garde tout, brouillon et mise au propre, fausses pistes et grands moments de génie. Et c'est génial. En associant des images, en creusant inlassablement le langage populaire et les motifs les plus triviaux, il livre un long poème de 280 pages qui mèle les grands sentiments à la plus basse inspiration. Il aime tous les mots, dans toutes leurs inexactitudes, beautés et limites. On sent derrière tout ça de l'humain, un homme qui cherche, qui s'énerve parfois quand il butte sur un concept inexprimable, qui rigole furieusement quand il trouve une nouvelle idiotie à pondre, qui nous emmerde profondément et aime ça, et qui trouve ça et là la fulgurance totale. Personnellement, je n'ai pas respiré une seule fois pendant toute cette lecture. Ca s'appelle la musique.