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15 août 2010

10h30 du soir en Eté (10:30 P.M. Summer) (1966) de Jules Dassin

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Adaptation par l'ami Jules Dassin d'une oeuvre de Marguerite Duras mettant en scène une étrange relation à trois. Melina Mercouri en alcoolo semi-lucide, Romy Schneider en amante sensuelle à mort, Peter Finch en mâle prédateur, la mâchoire serrée : un drôle de trio dominé par des passions sulfureuses (l'attraction évidente et passionnée entre Romy et Peter, l'attirance de Melina pour le corps de Romy et son trouble désir (pour revivre son passé ou pour l'enterrer...?) de voir/d'imaginer son mari et la Romy copuler). Des rapports plus ou moins ambigus - la relation Peter/Romy n'a pas besoin de dessin, quant à Melina, si elle se noie dans l'alcool, on ne sait trop ce qu'elle attend encore de son mari... - dans un film qui bénéficie d'une sublime photo en couleur qui n'a pas pris un pète : des séquences nocturnes du début à ces incroyables plans d'ensemble sur une nature espagnole aride, c'est un étonnant festival d'ombres et de lumière.   

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Le film s'ouvre sur un crime passionnel - un paysan espagnol tue l'amant de sa très jeune femme et cette dernière - et notre trio (enfin plus précisément notre quatuor, puisqu'il y a également une bambinette dont Romy est apparemment (au moins à l'origine...) la baby-sitter)  de trouver refuge en plein déluge dans ce petit village espagnol où le crime a eu lieu. Peter et Romy ont bien du mal à cacher leur passion dévorante, aidés en cela par une Melina qui ne cesse de disparaître à la recherche d'un dernier verre (qui n'est jamais le dernier, forcément, la bougresse picolant comme une brute). Alors que la tempête bat son plein et que les nombreux gens coincés dans cet hôtel s'apprêtent à dormir sur des matelas de fortunes jonchant les couloirs, Melina, dissimulée sur son petit balcon, surprend une étreinte torride, sur un balcon attenant, entre son mari et Romy et entr'aperçoit dans la foulée la silhouette du tueur qui tente de se dissimuler sur le toit de l'hôtel : il est 10h30 pétantes, on sent bien que c'est le moment crucial du film ; Melina, après s'être littéralement frottée contre le mur en assistant à l'étreinte de ce couple adultère, a un drôle de sourire démoniaque (on navigue entre excitation et folie douce sans trop pouvoir mettre le doigt sur l'une ou l'autre) et finit par fixer avec intensité le corps de ce meurtrier drapé dans une couverture (on comprend d'une certaine façon qu'elle se sente solidaire de cet homme qui a osé tué sa femme infidèle, même si par la suite elle semble accepter beaucoup plus facilement la mise à mort de sa relation avec son mari...).

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Elle fait tout pour aider le tueur et le mettre en lieu sûr, revient à l'hôtel et informe ses deux partenaires de voyage de sa folle nuit ; d'abord dubitatifs, les deux finissent par la croire ; lorsqu'ils arrivent sur les lieux où Melina a laissé l'homme en fuite, le mari et Melina qui s'approchent de la cachette de notre homme semblent retrouver le temps d'un instant une incroyable complicité, comme celle du temps de leur jeunesse à Vérone - un épisode plusieurs fois cité. Seulement, au grand dam de Melina, ils ne tardent pas à découvrir que le tueur s'est suicidé ; si Melina est particulièrement dépitée, c'est sûrement parce qu'elle pensait qu'un nouvel avenir pouvait s'ouvrir pour cet homme (et donc, d'une certaine façon, par analogie également pour elle...): il a fait le choix de la mort sans accepter la dure réalité, Melina saura, elle, se faire, par la suite, beaucoup plus discrète (une "disparition" toute en douceur...): sans illusion sur sa relation, elle "s'éclipsera" (certains plans fixes finaux ne sont pas sans faire penser au film d'Antonioni : influence, clin d'oeil ou hasard...?) sans demander son reste.

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Etrange individu que cette Melina qui voue une certaine fascination pour ce couple qu'elle voit se créer sous ses yeux (sans parler de deux magnifiques séquences - celle dans la douche, nues, elle et Romy et celle où sa main, au premier plan, feint de "caresser" le corps de Romy au second - durant lesquels Romy agit sur elle comme un aimant : amours saphiques, nostalgie de son corps d'avant, véritable excitation à voir son mari désirer cette chair fraîche, sacrifice... le doute persiste): elle semble accepter cette fatalité, tout en cherchant à se détruire dans l'alcool. Bien qu'elle fasse preuve tout du long d'une incroyable lucidité malgré les vapeurs alcoolisés, l'on ne sait jamais trop, lorsqu'elle assiste aux ébats des deux amants (ou imagine (?) - le plan sur son mari toujours à la table, lorsqu'elle sort de son sommeil, tendrait à prouver qu'elle a rêvé l'accouplement de Peter et Romy...) si elle cherche à renaître de ses cendres (elle se consume intérieurement d'amour "par procuration") ou à se torturer (pour mieux abandonner les deux à leur sort, sans aucun regret). Une oeuvre de Dassin qui mérite en tout cas d'être redécouverte pour peu que vous soyez notamment attiré par ces atmosphères pleines d'ambiguité...

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