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2 juillet 2010

Enquête sur un Citoyen au-dessus de tout soupçon (Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto) d'Elio Petri - 1970

enquete_sur_un_citoyen_a_ii01_gVoilà un film bien frontal comme on les aime, qui fait de la politique à la punk, et qui assène de vigoureux coups de gourdins sur les institutions en place. On apprécie toujours ce cinéma italien des 70's, sainement insolent, et qui force le respect par sa franchise ; dans le genre, Enquête sur un Citoyen au-dessus de tout soupçon est un sommet. Il y est question d'un commissaire de police, récemment muté aux affaires politiques, et qui vient d'assassiner sa maîtresse, une prostituée volage. On ne sait trop si c'est vraiment par jalousie (la donzelle le trompe avec un jeune gauchiste), si c'est pour compenser son impuissance sexuelle, ou si c'est pour affirmer son pouvoir sur les êtres humains. Tour à tour puéril, frustré et dictateur, le personnage est en tout cas un bloc de complexité psychologique : il met son point d'honneur à semer sur les lieux du crime des indices menant sur ses traces, pour mieux prouver à la société qu'il est "au-dessus de tout soupçon", et qu'on ne l'arrêtera jamais. Démarrant comme un personnage nietszchéen (genre : je suis au-dessus des lois, j'ai le droit de vie et de mort sur les gens), le personnage tend de plus en plus vers le dostoïevskisme quand il se rend compte que la beauté de son acte n'est pas qu'il reste ignoré, mais au contraire qu'il soit découvert par ses collègues. Magnifique caractère, d'une incroyable justesse psychologique, que Petri complexifie encore en ajoutant une couche de hantise de la jeunesse politisée chez ce réactionnaire frustré : son combat pour prouver son invicibilité se double d'un rapport trouble avec les jeunes révolutionnaires qui attaquent l'Italie, sorte de fascination/répulsion qui donnera lieu à quelques parfaites séquences purement politiques.

VOLONT_1Certes, le film n'y va pas avec le dos de la cuillère pour fustiger ces notables qui nous dirigent, effectivement au-dessus de toute loi et de toute punition. Même quand la morale s'en mèle, sous la forme du remord, la société fait tout pour dissimuler la corruption de sa classe dirigeante ; le commissaire, droit et arrogant comme certain dictateur italien connu (dans le passé ou dans le présent), a beau prouver par A plus B qu'il est un monstre, tout le monde refuse de le reconnaître. Effrayant portrait d'un pays sclérosé par la peur et l'autoritarisme de ses chefs, où on préfère sacrifier des inocents plutôt que de châtier un notable. Petri envoie la sauce pour démontrer son anarchiste théorie, d'abord grâce à un Gian Maria Volonté proprement extraordinaire d'effronterie, ensuite grâce à une précision d'écriture parfaite de causticité. La mise en scène, tout à fait dans l'air du temps (ces zooms à l'emporte-pièce, ces gros plans étouffants, ces cadres très "peinture contemporaine" sur des lieux vides) est idéale également pour mettre en place un univers d'une effrayante froideur, où toute porte de sortie est effacée. L'excellente petite ritournelle de Morricone fait un joli contre-point léger à ce film implacable : 100% italien pourtant, puisqu'il reste exubérant et très enlevé, Enquête sur un Citoyen au-dessus de tout soupçon est le film qu'un gars comme Chabrol n'a jamais réussi, qui arrive à lier une impolitesse premier degré jouissive et une intelligence de réalisation d'une très belle tenue.

(ce texte primordial a été rédigé dans le cadre de l'excellente opération de visionnage de DVD instaurée par le non-moins utile site Cinétrafic, dont voici la cristalline adresse : http://www.cinetrafic.fr)

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