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Shangols
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23 octobre 2018

Une Bonne à tout faire de Jean-Luc Godard - 1981 (repris en 2006)

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Là, Shangols est plus que jamais à la pointe du pointu. Voici un court inédit de JLG, qui a une bien curieuse histoire : réalisé en 1981 dans les studios énormes de Coppola (on reconnaît, ce me semble, les décors de One from the Heart) pour un projet pharaonique qui n'a jamais vu le jour, il a été repris par Godard pour son expo à Beaubourg en 2006, qui n'a pas non plus vu le jour ; aujourd'hui, la seule trace visible est ce plan volé (mais consenti par le maître) qui filme un écran de télé diffusant le film à deux mètres de distance. Inutile de dire, donc, qu'on a du mal à regarder à sa juste mesure ce film qui, malgré tout ça, semble absolument splendide.

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Ça commence "classique" avec une petite scène où on découvre Konchalowski en plein tournage. Toute l'équipe l'attend sur le plateau, mais lui préfère feuilleter un livre sur Cézanne, pour y piocher quelques sentences typiquement godardiennes, dont : "Cézanne ne savait pas ce qu'il allait peindre avant de commencer à peindre" (traduction de l'anglais personnelle). On comprend déjà, à l'écoute d'une telle phrase, ce que le projet du film de Godard avait d'inquiétant pour ses producteurs. On y assiste à une sorte d'éloge de la lenteur et du hasardeux en matière de création : un plan vraiment très impoli où Godard s'extrait clairement du processus de création ordinaire (on voit ça et là des techniciens s'agiter autour de ce nid de tranquillité constitué par l'homme et son livre). Voilà une des premières apparitions de l'ermite qui s'effacera vingt ans plus tard au profit d'une rêverie littéraire solitaire.

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Puis, tout à coup, changement d'ambiance. Nous voilà sur le fameux plateau de cinéma, en plein tournage d'un plan qui à première vue a l'air gigantesque : une grue aux mouvements complexes filme une star fatale éclairée dans un contre-jour grandiose. On pense aux premiers plans du Mépris, on pense aussi à ce sublime travelling dans Passion ; c'est la même force, la même émotion d'être immédiatement plongé dans un de ces photogrammes immortels qui font la légende du cinéma. Godard sort les grands moyens, profite de ce grand barnum hollywoodien pour filmer enfin ce plan mythique qu'il cherche depuis longtemps : une icône, une caméra qui la filme, une équipe qui la regarde... Première pause pour régler un problème de costume, puis le tournage reprend... et là, c'est extraordinaire : au lieu de recommencer cet énorme mouvement, Godard éteint tout, resserre son cadre sur deux comédiennes, et crée un tableau de Georges de la Tour là où on attendait qu'il lâche la cavalerie. L'intimité est totale, l'épure du plan saute aux yeux, et là aussi c'est une déclaration d'amour au cinéma d'une simplicité totale : au milieu de cette énorme machine qu'est la fabrication d'un plan, le cinéaste touche à l'intimité la plus fragile, en extrayant justement toute la lourdeur de l'équipe, du mouvement de caméra, de la lumière. Comme éclairé à la bougie, ce plan est d'une beauté sidérante, même vu à deux mètres de distance sur la télé de Godard ; quand Konchalowski revient pour régler doucement une lumière qui tombe sur la main, on reste happé par la douceur de la chose, par ce moment de suspension magique.

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Ensuite, retour plus anecdotique à l'équipe de cinéma qui règle à nouveau un plan compliqué, histoire de vraiment faire de ce qui précède une parenthèse enchantée. Incorrigible, le père JLG : c'est quand on lui donne les plus gros moyens qu'il se met en tête de réaliser son film le plus épuré, comme une moquerie en direction de ceux-là même qui le financent. Une moquerie en direct, frontale et cinglante ; mais si c'est pour aboutir à une telle beauté, même sur quelques secondes, on veut bien confier son carnet de chèques à Godard quand il veut. Une Bonne à tout faire est un film qu'on ne verra peut-être jamais : je ne peux donc qu'en conseiller cette vision clandestine inoubliable.  (Gols 18/06/10)


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Film que l'on finit par voir dans sa version "normale" ; je ne vais pas reprendre la déclaration d'amour golienne quant à la mise en place de ce "petit" plan (coût assuré par Coppola : environ 30.000 dollars - une paille) qui tente de reprendre en effet un tableau de Georges de La Tour, Le Nouveau-né (merci Antoine de Baecque via KG pour ces infos de première main). Je ne sais si Gols eut droit à la voix off de Godard mais ce dernier se lance dans les deux derniers minutes sur un petit laïus que je vais citer en partie (attention aux jeux de mots qui piquent !) : 'Georges de la Tour prend garde de ne rien dire ; il ne fait pas de télévision, il peint. Il fait de ce cinéma muet que les fabricants d'armes et les constructeurs de texte feront tout pour que ça se taise enfin ; et le sang et l'âme du simple citoyen avec. Il y a là devant nous peut-être qu'une bonne à tout faire. Ce serait laquelle des deux femmes, peu importe, elle porte. Sans doute qu'elle est nouvelle dans la région, alors elle apporte sa nouvelle, une bonne." Ah oui, je vous avais prévenus, c'est un festival. Des femmes, porteuses (l"une de la lumière, l'autre de l'enfant - je surfe sur JLG), du silence (le cinéma comme art du silence en mouvement ? - je tente à mon tour, Georges, hein, en évoquant l'ancien cinématographe qui s'est éteint en 1929), de la bonne nouvelle et de la nouvelle bonne (oui, alors là, du nouveau-né à l'assistante lumière tout est possible, tout reste ouvert)... Bref un Godard, once again, à multiples entrées, de la lumière au commentaire en passant par l'art pictural. Calmés ?   (Shang - 23/10/18)

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God-Art, le culte : clique

Commentaires
J
Certes pardonnez ma maladresse mais il faut apprendre à réfléchir Mitch lorsque vous lisez... <br /> <br /> Vous n'avez pas compris ce que j'énonce, je ne fais pas de différence entre homme et femme, c'est bien pour cela que le féminisme ne m’intéresse.
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M
Absence d'intérêt qui pousse à balancer par-dessus les jupes jusqu'au "e" du féminin ?<br /> <br /> Ou bien... banale absence de grammaire?
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J
Le féminisme ne m’intéresse pas... ça ne fais donc aucune différence<br /> <br /> Seule la personne la plus intéresser l'aura. Je ne peux faire qu'une copie et je souhaite m'assurer qu''il ne tombera pas dans l'internet...
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C
Et la dames.... Elles y ont pas droit ?!
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J
Bonjour Messieurs, j'ai en Ma possession, une très bonne copie de "Une Bonne à tout faire", copie originale , voix off de JLG en français, son diégétique en anglais non sous titré. Contactez moi
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