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Shangols
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30 mai 2010

In the Loop (2009) d'Armando Iannucci

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Ca fuse dans tous les coins au niveau des dialogues, et j'ai dû m'attacher à mon prompteur pour ne pas louper une miette de cette logorrhée verbale qui fait des ravages sur son passage. Faut dire qu'entre un Peter Capaldi (Malcolm Tucker, chargé de la communication du Premier Ministre) capable de plus de "fucking" en 30 secondes que Joe Pesci lorsqu'il décharge sa haine sur un secrétaire d'Etat qui s'emberlificote dans sa com, et l'abattage d'une James Gandolfini en énorme (James, quoi) général américain pacifiste, on a droit, avant d'assister à la guerre au Moyen-Orient (l'objet de toutes les discussions et des désaccords entre Anglais et Américains) à une guerre de mots balancés à un tempo plus trépidant qu'une rafale de mitraillette. Ce flux constant de parole soutenu par une caméra parkinsonnienne donne l'impression d'être projeté dans un tourbillon politico-médiatique totalement incontrôlable : l'ère de la politique zapping en quelque sorte, qu'on pourrait opposer, j'sais pas moi, à un discours de Raymond Barre, oui. Le moindre petit mot irraisonné lâché aux micros de journalistes peut entraîner un déferlement de réactions de part et d'autre de l'Atlantique plus ravageur que les conséquences de douze battements d'aile de papillon. Entre deux insultes bien torchées qui viennent de nulle part (Peter Capaldi, grande forme) et des discussions qui virent à l'hystérie collective, on ne sait parfois plus trop où donner de la tête dans cette comédie politicarde survitaminée; du coup, on ose parfois à peine prendre le temps de rire de peur de manquer quatre répliques ou une évolution soudaine dans la situation. On comprend rapidement que les Britanniques sont comme des merdes face aux Américains; quant à ceux-ci, ils se distinguent en deux camps opposés (les pacifistes et les va-t-en guerre) et tentent à grand coups de comités secrets, de rapports plus ou moins officieux (...), de faire pencher la décision de l'ONU pour ou contre une intervention en Irak. Il y a tellement de personnages différents qui passent leur temps à s'engueuler qu'on perdrait presque parfois de vue les tenants et les aboutissants d'un tel cafouillage. On se marre quand même pas mal devant notamment cette galerie impressionnante de petits jeunots opportunistes tout frais émoulus des écoles qui merdouillent ou gaffent, ainsi que devant les passes d'armes verbales entre les différents représentants de chaque pays. On finit le film presque épuisé comme si on avait tenu la caméra : on ne peut reprocher pour une fois à un film anglais de manquer de rythme, certes. C'est aussi sûrement la limite du genre, ce petit côté "too much" ne laissant aucun répit au spectateur qui finirait presque par glisser sur le film comme sur une patinoire en pente... Tourbillonnant, drôle, bon, ne soyons pas bégueule devant cette efficacité à l'anglaise, c'est po si courant sur grand écran...   (Shang - 25/11/09)

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Effectivement, il faut s'accrocher pas mal, mais franchement ça vaut le coup sur la longueur. Non seulement parce qu'on apprend quelques nouvelles insultes vraiment poilantes ("you're a f-star-star-star-k count"), mais aussi parce que In the Loop attaque frontalement et gaiement les politiques qui nous gouvernent, avec une santé qui fait plaisir à voir. Le discours, qu'on peut trouver simpliste mais qui n'est sûrement pas si loin de la vérité : les grandes décisions politiques, y compris les plus graves (ici, la guerre en Afghanistan) sont prises par des gosses immatures, découlent de petits enjeux de jalousie puérils, sont souvent déclenchées par de simples petites gaffes. Les gusses qui nous gouvernent sont des crétins soit mégalomanes soit veules, soit arrivistes soit dépassés par les évènements. C'est naïf ou punk, selon vos envies, c'est en tout cas une attaque au bulldozer qui fait du bien en ces temps de frilosité d'opinion.

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La mise en scène hystérique de Iannucci (parfois proche de celle d'un Von Trier, dans ce montage hyper-serré, "zappé") sert parfaitement l'impression de pente vers la tragédie. Inacapables de se poser deux minutes pour juger de la situation, les personnages sont happés par la vitesse, par l'urgence de leurs réactions, et la réalisation semble suivre cette inéluctabilité du pire. Les pitreries des héros finissent par devenir effrayantes, à l'image de ce Malcolm Tucker grossier et despote : son personnage fait rire par sa démesure, et par la vulgarité de ses sorties, mais finit par devenir glaçant sur la fin, comme si son caractère extraverti ne servait qu'à cacher une soif de violence inassouvie. De même pour le petit personnage excellent du ministre : son inadaptation aux grandes engueulades diplomatiques est hilarante, mais il finit par devenir une victime sacrificielle d'une grande tristesse. La guerre au Moyen-Orient semble être le résultat de simples combats de coq sans enjeux, d'histoires de fesses ternes, de petites phrases de malin balancées sans intelligence, et jamais la gravité des enjeux géo-politiques ne vient effleurer la conscience de ces monstres de pouvoir. In the Loop est un constat effrayant de l'état du monde, qui se dissimule sous un brillant dispositif verbal et formel haletant et très drôle. Comédie ou tragédie ?   (Gols - 30/05/10)

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(ce texte primordial a été rédigé dans le cadre de l'excellente opération de visionnage de DVD instaurée par le non-moins utile site Cinétrafic, dont voici la cristalline adresse : http://www.cinetrafic.fr)

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