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26 mai 2010

LIVRE : Le Chant du Monde de Jean Giono - 1934

68543_2651593Il paraît qu'on ne lit plus Giono. Eh bien, "on" a bien tort, tant un petit retour périodique à la brillante prose du sieur semble s'imposer en ces temps de styles perdus. Giono, c'est LE style à l'état pur, quitte à devenir presque too much dans Le Chant du Monde. Entendons-nous bien : le livre est prodigieux, le genre de travail d'orfèvre qu'on serait bien en peine de dénicher chez nos auteurs contemporains. Chaque phrase, et chaque paragraphe qu'elles constituent, semblent polis, repassés 100 fois sur le métier, jusqu'à obtenir cette poésie magnifiquement lyrique, cette prodigieuse vision du monde qui relie l'intimité la plus fine au cosmos dans son infinité. Il y a là une science du rythme, une profondeur de regard, un maniement millimétré des mots, qui forcent le respect comme c'est pas permis. La nature, chez Giono, est une immense page où fourmillent les motifs grandioses. Le moindre oiseau, le moindre changement de climat, le plus petit élément, deviennent sous la plume du roi Jean des métaphores épiques, et des occasions d'une nouvelle démonstration de style poétique. On a envie de citer chaque phrase, tant elles "sonnent" toutes, tant elles semblent être le résultat de 10000 brouillons sucessifs pour arriver à la quintessence de la chose.

Mais justement, c'est aussi là que se situe la limite du livre : à force de maîtrise, à force de démonstration de puissance, Le Chant du Monde devient un pur objet formel, et finit par se mordre la queue. Au bout d'une centaine de pages, on est un peu assommé sous l'écriture, qui transforme son lyrisme en emphase trop souvent. On admire la technique, on est soufflé par l'originalité du regard, mais on souhaiterait aussi un peu plus de souplesse là-dedans. On aimerait presque que ce soit moins beau, histoire de respirer un peu. Du coup, les très courtes phrases que Giono ajoute à la fin de ses immenses paragraphes surchargés deviennent les plus belles, par le contrepoint plus léger qu'elles induisent. Heureusement aussi, la trame même du livre est trépidante : c'est tout simplement un roman d'aventures, avec la quête qui s'impose (retrouver un fils disparu en milieu hostile), les rencontres amoureuses qu'il faut, et les coups de théâtre obligatoires. Sans cette histoire captivante, racontée avec un brio impeccable, le livre paraîtrait un peu gratuit, comme ces poètes du Parnasse qui ne juraient que par la beauté de l'Art. Beau, le livre l'est indéniablement, sur-beau même ; ce n'est que de justesse que Giono lui évite la simple auto-contemplation. Ces réserves faites, je le clame sans vergogne : il faut absolument lire tout Giono, c'est THE auteur de la nature et du cosmos.

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