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19 avril 2010

Sogni d'Oro de Nanni Moretti - 1981

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Il faut pas nous énerver le Nanni, il a le sang chaud. Sogni D'Oro est sûrement son film le plus en colère, encore plus que le futur Palombella Rossa. Proprement hystérique en même temps que mollement déprimé, il nous montre un cinéaste en crise, torturé entre un public qui demande de plus en plus de divertissement bas de gamme, une femme qui ne le regarde pas, et l'arrivée de jeunes cinéastes qui vont peut-être bien le détrôner de son statut de "jeune cinéaste italien de génie". Il ne doit pas falloir pousser bien loin pour voir là-dedans un autoportrait en artiste qui doute, après le malentendu de son film précédent (Ecce Bombo, que tout le monde a vu comme une comédie alors que Nanni voulait faire une tragédie). En quelque sorte, voilà le Stardust Memories de Moretti, en encore plus amer et plus désespéré que Woody.

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On se marre bien à ce film, qui cultive un humour noir et décalé absolument génial. Chaque séquence, qui peut être regardée en elle-même, comme en circuit fermé, pousse un peu plus loin le bouchon de l'absurdité et du dégoût. Moretti déprime, le sait, et en fait un acte de comédie ambigu qui rend le film assez dérangeant. Certes, la farce est là, dans ce duel entre cinéastes par exemple, qui se déroule sur un plateau de télé berlusconien où tous les coups sont permis : quand les artistes veulent se mesurer sur le terrain de la pensée et de l'intellectualisme, le public reste de marbre ; quand ils s'insultent ou se déguisent en pingouins, il exulte. "Publico di merda", finit par lui gueuler Moretti, et on sent bien que sous la blague se cache une vraie sincérité. Oui, le public est devenu merdique, tout comme les intellectuels, les cinéastes et la télévision, et on ne se gène pas pour le dire. Tout le film est saturé au niveau des voix, tout le monde crie, frappe, pète les plombs, comme si Nanni voulait donner à ce public friand d'action ce qu'il attendait. Même le "film dans le film" tourné par Michele, une biographie de Freud, tombe dans les travers du cinéma italien le plus basique, hystérie et grosses blagues de potache à la clé.

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Sogni d'Oro en profite pour fustiger frontalement les tenants d'un cinéma encore plus rigoureux, polémique, poujadiste finalement : le peuple est érigé en héros indiscutable (un garçon d'hôtel acclamé alors qu'il n'a pas dit un mot, ou un "berger des Abruzzes", symbole du prolétariat soit-disant peu concerné par le cinéma de Moretti, qui fait tout le voyage pour rencontrer le public). Au bout du compte, après avoir tenté la comédie musicale, Nanni sort sur une dernière pirouette, se transformant in extremis en loup-garou, comme si la seule voie possible était de donner un os à ronger à son public. C'est bien amer, souvent très touchant (Michele qui se roule par terre d'amour, qui serre la main des critiques en répétant bêtement "C'est mon meilleur film", ou qui court dans la campagne en hurlant "Je ne veux pas mourir"), finalement beaucoup plus terrassant que drôle, même si on ne quitte jamais ce ton ironique qui n'appartient qu'à Moretti. On est étonné de ressortir de ça tout chose, comme si on avait frôlé un autoportrait métaphysique et glaçant tout en ayant cru assister à une farce. Grand moment, donc, à rattacher aux accès de déprime d'un Woody, d'un Kitano ou d'un Fellini.     

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