Les Pionniers de la Western Union (Western Union) (1941) de Fritz Lang
Un peu de mal à rentrer dans ce western du gars Lang qui ne part vraiment en trombe - entre fureur incendiaire et tragédie entre "frères ennemis" - que dans le dernier quart d'heure. Auparavant, s'il faut reconnaître un évident savoir-faire au cinéaste bien loin de ses terres et dont c'est seulement le second western, l'intrigue n'est guère captivante : un ancien bandit repenti (Randolph Scott, la gueule de l'emploi) et un fils à papa (Robert Young, bien pâle) s'engagent à la Western Union pour étendre le réseau télégraphique en direction du Pacifique. Ils tournent tous les deux autour de la même donzelle (Virginia Gilmore, mouais) qui se trouve être la donzelle de leur boss (Dean Jagger): ce petit trio est bien mignon et donne deux séquences dont le parallélisme est gentiment comique (Robert rend visite à la chtite et trouve le Randolph déjà installé dans un coin non loin d'elle; Randolph connaîtra le même désappointement une poignée de scènes plus tard); seulement Lang décide d'abandonner cette piste en cours de route (exit la donzelle que l'on ne retrouvera qu'en toute fin) pour rentrer dans le vif du sujet, la construction du bazar. On s'installe dans notre fauteuil pour enfin partir à l'aventure, mais on tarde pas à déchanter quelque peu : on assiste d'abord à une attaque d'indiens saouls qui tourne court, puis à une attaque d'hommes blancs déguisés en indiens qui mettent la pagaille dans le camp; ces derniers, agissant à la solde de l'armée sudiste qui voit d'un mauvais oeil ce projet nordiste, ont saoulé les indiens pour tenter de stopper la progression du projet, et tentent de rançonner au passage la Western Union (en volant leurs vaches et leurs chevaux) pour mettre du beurre dans leurs épinards. Randolph Scott est censé mettre le holà à leurs exactions, mais il se retrouve le cul entre deux chaises, ces hommes étant ses anciens compagnons...
Le projet avance malgré tout à un bon rythme - on fraternise avec les Indiens en les prenant un peu pour de bonnes poires - et notre bande de malfrats tente un dernier coup de Trafalgar en provoquant un gigantesque incendie autour du camp. On prend le Technicolor en plein dans les mirettes, cette folie dévastatrice humaine rappelant d'autres heures bien sombres de l'autre côté de l'Atlantique. Randolph Scott finira par prendre le taureau par les cornes et décidera d'en découdre avec le leader de la bande (qui n'est autre, roulement de tambour, que son frère) en lui rendant une petite visite chez un barbier dont l'enseigne bleu-blanc-rouge m'a tout l'air de po être totalement innocente. Ca sent enfin la bonne vieille tragédie... Le plus étonnant c'est que, jusque là, l'atmosphère est relativement badine : Randolph et Robert qui se marrent comme des pendus et se donnent de franches bourrades trouvant un peu bêta de tourner autour de la même donzelle - il n'y en a qu'une, cela dit, à trois mille kilomètres à la ronde : forcément, ça crée un embouteillage -, le gars de la Western toujours prêt à payer rubis sur l'ongle pour que son projet avance dans la bonne humeur, les Indiens qu'on berne en déconnant un poil, sans parler du bon vieux second rôle comique, un vieux cuistot tout trouillou qui n'est jamais le dernier pour se ridiculiser... Le dernier quart d'heure tout en noirceur nous sort résolument de notre torpeur mais, sans qu'on ait passé un mauvais moment, on regrette un peu de ne pas s'être passionné plus que ça, pendant une bonne partie du film, à cette intrigue, qui déroule tranquillement son fil (c'est de circonstance, certes).
Go old west, here