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5 avril 2010

Nénette de Nicolas Philibert - 2010

19252007_jpg_r_760_x_f_jpg_q_x_20100218_044019Joli projet que celui-ci, mais qui malheureusement s'avère plus intéressant par son projet, justement, que par son résultat concret. Philibert plante sa caméra devant la cage de Nénette, vieil orang-outang de 40 ans qui coule des jours paisibles au Jardin des Plantes. On ne voit à l'écran que le singe (parfois, ses co-locataires), jamais les visiteurs du zoo, qu'on entend pourtant continuellement : enfants rigolards, touristes concernés, peintres fascinés par l'étrangeté de ce corps, gardiens de la réserve, etc. On comprend assez vite qu'il va s'agir d'une réflexion sur le cinéma lui-même, sur la puissance de la projection du spectateur sur les images : Nénette ne fait strictement rien, elle est juste là, inexpressive, immobile ; mais les commentaires qu'on entend projettent sur cette surface opaque des tonnes de sentiments. Si un gardien évoque la violence du singe, on distingue immédiatement cette violence dans les yeux de l'animal ; si on parle des différents "maris" de Nénette morts tour à tour, son apathie passe immédiatement pour de la déprime ; si les enfants rient d'elle, elle devient effectivement clownesque... tout ça en gardant toujours la même impassibilité, la même opacité dans ce qu'elle ressent réeellement.

19252005_jpg_r_760_x_f_jpg_q_x_20100218_044018C'est donc une réflexion sur la force de persuasion du cinéma, un peu comme Koulechov montrait comment un même plan peut avoir des dizaines de significations différentes selon ce qu'on lui adjoint de commentaires ou d'images. Intéressant plan de travail, auquel Philibert se tient du début à la fin. Mais au bout de quelques minutes, on a compris le discours, et on aurait envie que le film aille un peu plus loin que cette expérimentation rigoriste de la force des plans. Les cadres sur Nénette ne sont pas particulièrement inventifs, la rare musique un peu redondante, et les commentaires manquent à la longue de réel intérêt. A part la dernière intervention, qui décrit magnifiquement la puissance d'inertie du singe, la densité de sa présence, la grandeur de ce "rien" qu'on voit à l'écran, les autres témoignages ne sont pas vraiment probants. Le film lui-même non plus d'ailleurs, qui finit par ne ressembler qu'à une forme, trop rigoureuse alors que le sujet ne s'y prête pas forcément. Le discours finit par bouffer l'ensemble du film, et on s'ennuie un peu. Ce n'est pas grave : l'ennui fait aussi partie du projet, celui de Nénette finissant par déborder l'écran : on se retrouve à végéter un peu devant un singe qui végète lui aussi. A la rigueur, on aurait aimé que le projet aille au bout de son rigorisme, que le film dure 3 heures et finisse par nous plonger dans la même apathie que Nénette, dans un troublant jeu de miroir beckettien. Tel quel, on constate l'intelligence du propos, l'intérêt du projet, mais aussi le flou de l'éxecution. On conseillera plutôt la lecture du faramineux Sans l'Orang-Outan de Chevillard pour une exploration plus en profondeur de cet étrange animal.

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