LIVRE : Ecrire de Marguerite Duras - 1993

Tombant par hasard sur les deux films de Benoît Jacquot sur la Margot que je vais me mater dans la foulée, la petite lecture de ces textes de la Duras semblait s'imposer. On retrouve notamment dans "Ecrire" et "La Mort du jeune Aviateur anglais" ce rythme si particulier de l'écrivaine, sorte de litanie où les mots, à chaque fois répétés, où les phrases jouant de subtiles variations syntaxiques, semblent creuser toujours plus profondément le sillon de sa pensée : réflexions sur la solitude de "l'auteur de fond" ("La solitude elle se fait seule. Je l'ai faite. Parce que j'ai décidé que c'était là que je devrais être seule, que je serais seule pour écrire des livres."; "Se trouver dans un trou, au fond d'un trou, dans une solitude quasi totale et découvrir que seule l'écriture vous sauvera"; "Et quand je lisais des critiques, la plupart du temps j'étais sensible au fait qu'on y disait que ça ne ressemblait à rien. C'est-à-dire que ça rejoignait la solitude initiale de l'auteur"), une solitude qui parfois semble avoir mené l'écrivaine au bord de la folie : folie douce ou folie créatrice (?), il faut reconnaître en particulier que ces quelques pages sur la mort d'une mouche (!) sont particulièrement saisissantes dans cette volonté apparente de vouloir fixer l'instant à jamais, instant de vie, instant de mort, comme une métaphore de sa propre écriture. Difficile de vouloir chercher à broder par ailleurs, à notre humble petit niveau, sur ces quelques phrases qui tentent d'énoncer sans fioritures les mystères de la création littéraire : "L'écriture c'est l'inconnu. Avant d'écrire on ne sait rien de ce qu'on va écrire. Et en toute lucidité. C'est l'inconnu de soi, de sa tête, de son corps. Ce n'est même pas une réflexion, écrire, c'est une sorte de faculté qu'on a à côté de sa personne, parallèlement à elle-même, d'une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible, douée de pensée, de colère, et qui quelquefois, de son propre fait, est en danger d'en perdre la vie". Ecrire ou la confession du "Je est une autre" de Duras capable de petites formules difficilement oubliables comme cette sublime sentence aux allures de formule magique : "Ecrire c'est tenter de savoir ce qu'on écrirait si on écrivait". Pas mieux.