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5 mars 2010

Docteur Jekyll et Mister Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde) (1941) de Victor Fleming

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Un scénar qui s'inspire apparemment beaucoup de la version de 1931 signée Mamoulian, et un casting, sur le papier, de rêve avec Spencer Tracy entouré de la blonde Lana Turner et de la brune Ingrid Bergman, cette dernière ayant insisté pour jouer la petite serveuse londonienne à l'accent cockney : un choix pour casser son image certes courageux, mais loin d'être totalement convaincant à la première apparition - on y revient... Cedric Gibbons est en charge des décors et l'on se régale d'avance de découvrir un labo garni de fioles, la garçonnière de Hyde et des rues londoniennes à l'asphalte mouillé envahies par le brouillard. On sera servi de ce point de vue là, rien à dire. Cependant, force est de reconnaître qu'après un départ qui fait saliver, le film devient un peu trop lisse, seuls les acteurs semblant s'en donner vraiment à coeur joie, palliant à une mise en scène un peu trop convenue et une morale bien terne... 

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Le scénar débute, après une intro dans une église et un petit sermon sur le diable, sur des réflexions sur le bien et le mal d'un Spencer pêchu et dévoué à sa cause (celle de la recherche) devant une assemblée de bourgeois choqués comme tout et un homme de religion bien sceptique. Sur le point de se marier avec la sublime Lana Turner - qui joue malheureusement un peu trop les potiches, mais avec un charme indéniable... -, il ne s'attire pas vraiment la sympathie de son futur beau-père qui le verrait plus suivre une carrière bien pépère. Spencer poursuit quoiqu'il en soit ses recherches et, accompagné d'un ami, croise un soir, par hasard, une créature féminine sur le point de se faire agresser. Il sauve la donzelle et après avoir découvert le visage d'une Ingrid qui tente tant bien que mal de prendre un accent des bas-fond, il se fait un devoir de la raccompagner chez elle. S'en suit, dans la chambre de la donzelle, une scène d'une sensualité terrible (vraiment), et même si l'on ne demeure pas totalement persuadé qu'elle corresponde au rôle (trop de classe, trop sophistiquée quoiqu'elle fasse...), on ferme les yeux vu le côté charnel indéniable qu'elle apporte au personnage. Spencer finit d'ailleurs par l'embrasser avant d'être bêtement interrompu par l'arrivée impromptue du pote - on est aussi frustré que lui, clair.  Le visage de cette femme confondu avec celui de sa mie n'a pas fini de le torturer (fallait oser montrer le Spencer - rêvant ou cauchemardant ? - avec un fouet, alors que l'image des deux femmes se substitue à celle des chevaux qui mène sa carriole, sans parler des inserts lors de cette vision sur des liquides bouillonnant...). Lorsqu'il se décide enfin à tester sa potion (du coca qui fume), on se dit qu'il ne s'agit, après tout, que d'un simple désinhibiteur qui va lui permettre de consommer, sans trop de mauvaise conscience, ses désirs; sa transformation physique demeure, qui plus est, pas trop monstrueuse - point d'excès pileux, juste de bons sourcils à la Emmanuel Chain et un petit sourire vicieux. Il ne tarde point à partir à la recherche de l'Ingrid qu'il arrose de champagne (...) et de billets avant de prendre possession d'elle...

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Cette double vie - d'autant qu'il ne faut pas être possédé par le diable pour tomber raide dingue d'Ingrid Bergman, soyons franc - rend finalement notre Jekyll/Hyde très humain, personnage faisant simplement fi de l'hypocrisie bourgeoise de son temps... Malheureusement, cette piste est rapidement laissée de côté (il aurait fallu par exemple ne plus jamais le voir prendre de potion), l'aspect monstrueux (physiquement) et brutal (il violente sauvagement cette pauvre Ingrid) du gars étant peu à peu mis en avant : Mr Hyde incarne définitivement le mal et Dr Jekyll apparaît comme la simple victime de ses propres recherches. C'est bien dommage de retomber dans cette ornière terriblement manichéenne alors que plusieurs séquences demeuraient subtilement ambigües : la scène où le Dr Jekyll se rendant chez Lana Turner se mettait à siffloter inconsciemment une mélodie qu'Ingrid avait pour habitude de chanter - mais sa transformation en Mr Hyde bousille l'idée; ou encore lorsqu'Ingrid va voir le Dr Jekyll sans reconnaître son bourreau : on sent dans les yeux du Spencer un terrible trouble, qui peut relever aussi bien de la peur d'être découvert que du désir que cette femme provoque en lui... Là encore, l'idée ne sera pas exploitée à fond.

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L'issue finale nous laisse méchamment frustré tant l'on sentait qu'il y avait matière à tourner le scénar de façon beaucoup plus retorse, notamment après un départ où le Spencer se faisait le grand défenseur des idées reçues et de la morale ultraconservatrice de son temps, notamment face à son beau-père... Reste un film esthétiquement soigné, deux actrices à se damner, quelques séquences charnelles plutôt osées, des décors de Gibbons et une musique de Waxman au diapason, et il est bien dommage que Fleming n'ait pas réussi à exploiter plus en profondeur cette histoire fascinante du gars Stevenson. Frustrant, c'est ça.    

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