Le Soleil se lève aussi (The Sun also rises) (1957) de Henry King
Grand fan du bouquin de Hemingway que l'ami Gols m'avait d'ailleurs fait découvrir, je ne peux qu'être déçu par cette adaptation très poussive avec des personnages dix ou vingt ans plus vieux que les originaux : Tyrone Power (Jake Barnes) est tout gris - il va mourir d'une crise cardiaque lors d'un tournage l'année suivante, mais fallait pas être voyant ou docteur pour le deviner : il est déjà raide comme un piquet (avec un étrange air de ressemblance avec Don Draper, le héros de Mad Men, la fraîcheur en moins, la bedaine en plus), Errol Flynn, la moustache en bataille, même pas cinquante berges alors qu'on lui en donne au moins 78 - il lui reste deux ans à lui... - et Ava Gardner, encore pimpante avec son regard de miel, même si l'on sent que sa première jeunesse est déjà passée (c'est la seule qui s'agite un peu au début du film, mais rapidement elle prend un pas de sénateur pour être au diapason de ses camarades de jeu). La première partie à Paris, notamment dans les scènes d'intérieur, est filmée comme "Au théâtre ce soir" - c'est absolument sans relief, les acteurs bougent à trois à l'heure et sont penauds comme des montres qui pleurent; et lorsqu'on débarque enfin en Espagne, il y a forcément un peu plus de mouvement et de luminosité, mais plus du côté des taureaux que des personnages...
Ava Gardner, encadrée par sa cour d'hommes, les rend tous malheureux comme des pierres, et on assiste à une sorte de tirage de gueule pendant deux heures; même si l'on a droit à moult figurants - chemises blanches et bandanas rouges - qui s'agitent dans tous les sens - un certain effort de reconstitution et, enfin, un poil de rythme -, les très très longs combats dans l'arène (un "Ole", ça va, au bout de trente, je m'endors) finissent de recouvrir le film d'un voile de poussière - et nos paupières avec. Ce ne sont pas malheureusement les commentaires à deux balles d'un Tyrone qui joue les super-connaisseurs qui vont permettre de nous sortir de cette torpeur... Rah c'est du Cinémascope grande époque ultra coloré, on ne peut le renier, Mel Ferrer en amoureux éconduit, constamment en colère, apporte un peu de punch à l'ensemble, et Juliette Gréco, au début du film, un peu de peps frenchy, mais l'ensemble baigne quand même dans une grande mollesse, cette fameuse "génération perdue" censée se noyer dans les plaisirs futils prenant plus ici des allures de "pain perdu", voire de "crouton perdu" pour être un peu caustique. Henry King est lui-même en fin de carrière, et finalement l'ensemble respire plus la fin d'une époque qu'un hymne à l'extravagance d'une génération. Un soleil qui, en cours de route (du livre à l'écran, du lever au coucher (...)), a pas mal perdu de rayons dans la bagarre...