Memory of Love (2009) de Wang Chao

Après le très réaliste et réussi Voiture de Luxe, Wang Chao se lance dans une histoire d'amour en mêlant, sur fond d'adultère, souvenir et amnésie : existe-t-il une seconde chance en amour ou le destin - l'évolution des sentiments - est-il inéluctable? Thématique intéressante que Wang Chao décide de traiter avec une certaine austérité au niveau des dialogues, nous servant de longs plans léchés glissant sur ses personnages en manque de repère. Après avoir posé rapidement le point de départ (un peu téléphoné) de son intrigue (suite à un accident de voiture, une jeune femme est hospitalisée avec son amant dans la clinique où officient son mari et son ex - les deux hommes sont restés potes), Wang Chao prend tout son temps pour faire évoluer par toutes petites touches sa trame : comme la jeune femme est devenue amnésique - sa mémoire s'arrête à sa liaison avec son ex - comment lui faire recouvrer la mémoire? Les deux potes se mettent d'accord pour remettre en scène le moment où la jeune femme est tombée amoureuse de son futur mari, seulement ce processus affectif comporte forcément un risque : eh oui, ne va-t-elle point, ensuite, à nouveau tomber amoureuse de cet amant ?... Son mari serre des fesses et se dit qu'advienne que pourra : le rétablissement de la santé mentale de sa femme est à ce prix, il désire qu'elle revienne telle qu'elle était avant l'accident, quitte à la perdre... On voit bien où se situe tout le "suspense" de ce récit, seulement Wang Chao, à trop vouloir soigner ses plans et ses longs moments de silence qu'agrémentent quelques notes de piano de Ravel ou une mélancolique mélodie d'Astor Piazzolla, en oublie un peu ses personnages : chacun a son rôle clairement assigné dès le départ (l'ex à la coule, le mari amoureux mais trahi, l'amant qui ronge son frein, la femme un peu perdue "au présent" à l'avenir tout tracé - son passé risquant de la rattraper malgré elle) mais, au delà de ça, à l'image de cette caméra qui tourne autour d'eux et les effleure, ces personnages - au jeu terriblement figé (véritable déception à ce niveau-là tant dans les précédents films de Wang Chao (notamment L'Orphelin d'Anyang) la mise en scène était pleine de vie) - ne font guère preuve d'une quelconque profondeur psychologique. Ils apparaissent au mieux comme de simples faire-valoir au service d'une histoire dont on voit venir de très loin la conclusion. Même s'il y a une vraie élégance dans les images de Wang Chao, le spectateur glisse sur ce récit comme sur une belle toile cirée sans jamais vraiment s'attacher à ces caractères traités de façon très superficielle. C'est soigné, ouais, mais cela ne suffit pas pour faire monter à un quelconque moment l'émotion. Une oeuvre de (trop?) belle facture qui risque elle-même de s'effacer malheureusement très vite de la mémoire.