Fishing with John (1991) de John Lurie
Suivant les conseils avisés du gars Bastien toujours à la recherche du truc ultra pointu et éventuellement nécessaire, je me lançai donc à l'assaut de ces six épisodes réalisés par John Lurie - John Lurie que l'on ne présentera pas aux fans des premiers Jarmush ou à ceux du groupe de Jazz The Lounge Lizzard, ni aux autres d'ailleurs. John qui s'y connaît autant en pêche que moi au cricket - en résumé : que dalle - emmène donc pour une partie de pêche mémorable (...) différents comparses : Jarmush au large de Long Island pour se confronter aux requins mangeurs d'hommes, Tom Waits en Jamaïque pour le faire ramer et râler - et jouer aux cartes accessoirement -, Matt Dillon au Costa Rica pour l'initier à la danse du pêcheur auprès d'un type qui parle résolument po la même langue qu'eux, Willem Dafoe dans les neiges du Maine pour se les geler grave et enfin Dennis Hopper en Thaïlande pour tenter de débusquer la pieuvre géante ou, au moins, jouer au ping-pong. C'est filmé totalement à l'arrache, les interminables silences - le pêcheur est un homme silencieux par définition - sont comblés par une voix off qui tente toujours de dramatiser à mort, quand ce n'est pas pour sortir des commentaires difficilement contestables ("Here are real men doing real things" - à propos de Dafoe et de Lurie construisant une cabane de bric et de broc -; "These are horses" quand deux chevaux attendent patiemment Dillon et Lurie qui s'attaquent à la joooongle; "After the nights, come the days" ce qui n'est également guère surprenant, même en Thaïlande). Bref, tout ça pour dire qu'il ne se passe généralement po grand chose, que la pêche s'avère toujours maigre ("Un petit poisson ne peut pas suffire pour nourrir trois homme affamés"...), que nos pêcheurs du dimanche sont les premiers surpris des trucs qu'ils prennent (la tronche de Hopper quand il se retrouve avec une stingray au bout de la canne), bref qu'en un mot, on est plutôt dans le non spectacle entre branle-manette qui s'octroient une virée... Nonobstant, ajoutons derechef que l'absurdité absolue de la chose (avec notamment une voix off qui tente de créer l'événement quand il ne se passe absolument rien) n'est pas pour autant dénuée de charme...
Quelques moments inénarrables pour ces urbains confrontés à la nature super wild (Jarmush, qui s'emmerde comme pas deux, se retrouvant avec un monstre (!) au bout de sa canne, Tom Waits chantonnant de sa voix rocailleuse sur la rivière, Dafoe, gelé, faisant d'étranges proposition à John avant de dormir, Dillon improvisant une danse folklorique, Hopper - homme de bon caractère - ricanant pour un rien et s'extasiant devant chaque paysage) qui rendent ces sortes de non-aventures - montées techniquement, faut le souligner, comme un cochon - presque attachantes. Série culte pour certains, série ridicule pour d'autres, tentons de relativiser en disant que l'expérience est définitivement unique (ouais je ne me mouille po) avec ses moments de grand n'importe quoi risibles et ses terribles faiblesses. La série n'a qu'une saison, John Lurie ne devant pas avoir d'autres potes célèbres ou peut-être plus de producteur. Gloire en tout cas à la collection Criterion qui a osé éditer cette oeuvre assez barrée.