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5 février 2010

L'Arbre, le Maire et la Médiathèque d'Eric Rohmer - 1993

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Un vrai grand bonheur de redécouvrir Rohmer, surtout à travers ce genre de petite chose "mineure". L'Arbre, le Maire et la Médiathèque, c'est un débat politique tel qu'on peut en écouter dans les émissions de France Inter, mais mis à la sauce rohmerienne, c'est-à-dire passé au crible du langage, des rapports entre les êtres, et de la position de ceux-ci au sein du paysage. Il est question de sujet aussi graves que la décentralisation, la politique culturelle rurale, la désertification des campagnes, la lutte des classes, mais tout est d'une fraîcheur et d'une fantaisie qui font passer tout ça comme une lettre à la poste. Rohmer use d'une simplicité de procédé ravissante, et ça semble bien être la seule solution possible pour parler sainement de tous ces lourds sujets : on écoute avidement de longues thèses économiques ou politiques en ayant l'impression de suivre un récit de Jules Renard.

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Comme souvent chez Rohmer, le film joue avec le hasard : si le répondeur de la journaliste était resté branché, si la petite fille n'avait pas échappé son ballon, si le maire socialiste avait été rééelu... en 7 chapitres, on suit donc un éventail de propabilités qui aboutissent à une seule chose : la rencontre de quatre ou cinq personnages autour d'une dualité : ruralité/modernisme. Le maire d'un bled de Vendée, ambitieux gauchiste néo-rural, veut implanter un complexe culturel en plein champ ; sa compagne, parisienne branchouille, lui oppose ses clichés sur la ville et la campagne (en s'extasiant sur les salades) ; l'instituteur du village, écolo et légèrement réac, lutte becs et ongles contre le projet ; une journaliste écrit un papier là-dessus. Les paroles fusent, chacun ayant tout son temps pour exposer sa théorie, dans une sorte d'écheveau verbal à cheval entre l'improvisation et la littérature la plus précieuse. On a droit à de très longs débats sur la viabilité des Verts comme parti politique, sur la nature de la conception de la culture entre droite et gauche, sur les difficultés des agriculteurs, sur la nécessité d'implanter des espaces verts (!) en pleine campagne ; et c'est passionnant.

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Parce que Rohmer sait toujours filmer tout ça avec un bonheur qui irradie l'écran : loin des schématismes, il regarde ce joli monde se débattre dans la société contemporaine avec une grande tendresse, qui va autant aux personnages eux-mêmes qu'aux acteurs qui les interprètent. Si Dombasle rame pas mal dans l'exercice de l'"improvisation écrite", ne sachant pas quoi faire de ses mains et de ses yeux, Greggory et surtout Luchini sont excellents chacun de leur côté de la barrière. Voir Luchini hurler en plein champ pour qu'on préserve son arbre, en citant La Fontaine et en agitant les bras comme un beau diable, ça vaut franchement le détour : à cette époque, le gars n'était pas encore la caricature de lui-même, et il apparait ici comme l'acteur rohmerien par excellence, ampoulé et touchant, verbeux et grandiose. Tout ce petit monde est sans cesse inscrit très profondément dans le paysage, le film virant même de temps en temps au pur documentaire, quand on interroge les gars du cru. Toujours une tite fleur ou une brebis dans un coin de l'écran pour nous rappeler que tout ça a lieu au sein du monde, dans la vie d'aujourd'hui. La campagne n'est pas magnifiée, la ville non plus, le discours n'est pas asséné ; tout est subtil et délicat là-dedans. Sous le charme.

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L'odyssée rhomérique est

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