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26 janvier 2010

La Pianiste de Michael Haneke - 2001

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Quel pitre, ce Haneke. Non content de nous avoir déjà asséné de vigoureuses claques en parlant de la violence et de ses représentations, il passe à présent aux coups de pieds dans la face en abordant la perversion des échanges sexuels en milieu tempéré. La Pianiste, c'est, comment dire, froid, oui c'est ça. Après la classe moyenne de ses films autrichiens, Haneke explore la bourgeoisie grand crin, celle cultivée et raffinée qui écoute Schubert dans des soirées privées chez Madame de. Celle dont la façade n'est que marbre, celle qui fait du jansénisme et du sérieux son seul mot d'ordre. Pour la représenter, trois générations : une vieille femme obnubilée par l'excellence et la surface (Girardot, magnifique en matrone gardienne du temple, émouvante en diable) ; un jeune arriviste poli et fatal (Magimel, dans son rôle habituel de blondinet à polo Lacoste et à frange, mais très bien aussi) ; et une femme complètement glaciale, professeur de piano autoritaire, qui cache derrière son visage fermé des pensées perverses qui ne demandent qu'à s'exprimer (Huppert, énormissime si vous aimez Huppert).

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Tout ce petit monde évolue dans la photographie dorée de ce film étouffant. Comme à son habitude, Haneke enferme ses acteurs dans un dispositif sans aucune sortie de secours, resserrant de plus en plus sur eux sa mise en scène de grand malade : les décors sont des sortes de prisons dorées pleines de chambranles, de murs, de portes qui bloquent les mouvements ; les seules ouvertures sur l'extérieur sont des espaces encore plus froids (une échappée qui mène sur une patinoire). Tout ce qui pourrait être beau et positif (la musique, le sexe, les rapports familiaux) est immédiatement passé à la moulinette de l'amertume hanekienne : tout est perversion, déviance, manipulation, domination. Les détracteurs du cinéma du maître peuvent ici s'en donner à coeur joie : le moralisme y est exploité jusque dans ses plus profondes arcanes. En gros, les personnages sont irrémédialement condamnés, jugés sans appel, scrutés avec dégoût par un metteur en scène étonnamment didactique : la condamnation est frontale, la marge de jugement du spectateur quasi-absente. Haneke crache sa haine, règle façon punk ses comptes à cette société lisse et sophistiquée, qu'il méprise ouvertement. Buñuel ou Bernhard n'auraient sûrement pas rechigné devant ce portrait hyper-violent de la upper-class autrichienne, batie entièrement sur la merde, le sperme et le refoulé.

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Alors, certes, c'est peut-être le film le plus "premier degré" de Haneke, et on regrette un chouille ses inspirations plus expérimentales. Le film dit ce qu'il veut dire, sans mystère, sans nuance. Mais si on y perd un peu côté théorie, on ne peut qu'admirer la précision de la mise en scène, cette façon implacable de filmer les décors comme des projections du monde intérieur des personnages (cette scène de chiottes blanches), cette direction d'acteurs géniale, cette façon de les cadrer pour toujours en extirper le regard le plus douloureux, l'expression la plus trouble. La Pianiste, malgré sa trop grande frontalité de discours, surprend toujours formellement, à chaque nouvelle séquence. On ne cesse d'admirer l'absence totale de concession de ce côté-là. La violence physique s'est transformée ici en une violence plus sourde, plus intérieure ; mais c'est la même terreur que lors des grands films passés du maître, rendue palpable par la seule disposition de la caméra, par la seule mise en scène.

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