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25 janvier 2010

LIVRE : Suicide d'Edouard Levé - 2008

9782070398621L'écriture d'Edouard Levé est à la hauteur de ses fascinantes photos (allez voir ses séries sur le rugby ou la pornographie, c'est énorme) : froide comme la Mort, d'une intimité impressionnante, et d'une rigueur mathématique qui fait froid dans l'échine. Suicide raconte... un suicide, celui d'un ami de l'auteur (réel ou fictif ? tout ce qu'on sait, c'est que Levé lui-même s'est suicidé après l'écriture de ce texte) : on commence par la mort, puis on remonte le fil : qui était cet homme, comment vivait-il, quels étaient son quotidien, ses pensées, sa façon de voir la vie, ses lectures, ses comportements avec les autres ? C'est face à un puzzle encore dans sa boîte que ce texte nous place : le portrait avance par bribes désordonnées, d'évènements importants en anecdotes a priori sans conséquence. Ce pointillisme précieux finit par donner un personnage très creusé, qui apparaît dans toutes ses facettes, de la plus triviale à la plus émouvante : un homme normal, d'aujourd'hui, ni plus ni moins malheureux qu'un autre, et qui a décidé d'en finir, voilà. Une grande tristesse se dégage de ces lignes pures, nettes, sans fioritures : même si le procédé est rigoureux (phrases sèches, pas de pathos, pas d'explications claires, pas de psychologie à outrance), Suicide n'est jamais froid, jamais une simple expérimentation formelle ; au contraire, on y sent chaque instant battre le coeur d'un homme. C'est que Levé sait magnifiquement construire son "récit", par la bande, "horizontalement" disons, c'est-à-dire sans chronologie précise concernant la vie de son personnage, mais en l'attaquant par de multiples angles simultanément, ce qui donne une sorte de déclaration d'amour immensément tendre envers cet ami disparu. Dans ce livre, la vie est belle et triste, attachante et futile, et le suicide est compréhensible tout comme l'est l'envie de vivre. Levé n'explique jamais, ne glorifie pas, ne condamne pas plus : il écrit, et cette écriture est d'une douceur infinie ; seule manière qu'a trouvée l'auteur de tenter de comprendre le suicide : décrire l'homme qui s'y est livré, posément. Superbe petit livre.

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