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10 janvier 2010

Les Cheyennes (Cheyenne Autumn) de John Ford - 1964

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Les Indiens ont souvent été bien mal traités dans les films de Ford, souvent cantonnés à des cibles mouvantes tombant de cheval dans des Yaaargh douloureux. En fin de carrière, le gars semble faire amende honorable, et livre cette fresque toute en dignité sur nos amis à peau rouge. Le film est sur-puissant, c'est indéniable, brassant l'Histoire avec un souffle qu'on n'avait pas retrouvé chez John depuis The Iron Horse en 1924. C'est d'ailleurs le même schéma : rendre compte d'un fait de l'histoire américaine dans toutes ses arcanes, en filmant aussi bien les grands épisodes des livres d'histoire que les petits faits anecdotiques qui les rendent vivants. Ce fut la construction du chemin de fer dans le passé, c'est ici l'héroïque marche des Cheyennes pour retrouver leurs terres ancestrales.

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La dignité du film force le respect : Ford emploie des gens du cru, peut-être pas tout à fait cheyennes mais en tout cas très "racés", très crédibles. On entend de larges pans de leur langage, on assiste à pas mal de leurs mystérieux codes de communication, et Ford parvient magnifiquement à rendre palpable ce mélange d'altérité et de proximité qu'il y a entre eux et le Yankee lambda. Evitant soigneusement le folklore et la carte postale, Cheyenne Autumn est une véritable entreprise de réhabilitation du "sauvage", la distribution indienne étant traitée à égalité avec celle des des Blancs. Pour une fois, ils ont des rôles à défendre, des nuances à apporter à leurs personnages, et on apprécie particulièrement les précisions qui sont apportées à leurs caractères : deux frères aux options politiques différentes (l'un veut parlementer, l'autre se battre), une squaw attirée par la culture blanche, mais sans perdre son identité, ou un jeune loup furieux prêt à en découdre. Ford en profite également pour mettre de la tendresse dans son regard envers une autre communauté, les Quakers, qui sont ici dénués de tout ridicule pour laisser voir leur profond pacifisme.

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De l'autre côté de la barrière, on est servis également en psychologie. Entre un ministre de l'Intérieur fasciné par la pensée de Lincoln, un général qui devient lâche à force d'obéissance servile aux ordres, un jeune gars obsédé par la vengeance, ou une institutrice qui porte l'Education comme un drapeau, on a droit à tous les comportements possibles face aux Indiens. Même les plus petits rôles sont symboliques de ces différentes politiques possibles. Widmark apporte de très belles nuances à son cow-boy presque sentimental, c'est très beau de le voir s'effacer sur la fin du film au profit de ces grandes scènes lyriques. Ford sait comme toujours instiller au sein des grandes scènes de bataille ces toutes petites tranches de vie qui donnent une véracité et une humanité touchantes au grand spectacle. Mais c'est aussi un peu la limite du film : à force de multiplier les digressions, de vouloir tout montrer par strates de trames hétérogènes, on finit par perdre du liant, et par avoir l'impression que le film est une succession de courts-métrages trop dispersés. Certaines séquences, intéressantes en elles-mêmes, ont du mal à s'inscrire complètement dans la globalité. C'est le cas avec l'amusante scènes avec James Stewart : c'est rigolo, on respire devant ce ton subitement bon-enfant, mais on a la sensation qu'elle est posée là de façon bien aléatoire. Pareil pour ce sujet à peine esquissé : la presse, et sa responsabilité dans les a-priori sur les Indiens. On entrevoit un des directeurs de journal qui choisit de défendre la cause indienne par calcul stratégique, mais on en restera là et on ne le reverra plus par la suite. Il paraît que le film a été massacré au montage par les producteurs, on n'en voudra donc pas trop à Ford ; mais le résultat est effectivement peu homogène.

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C'est pas bien grave : l'ensemble reste d'un lyrisme épatant, d'une ambition démesurée alors même que le style de Ford est toujours aussi modeste. Le gars se met au service de son histoire, la dope par des cadres immenses sur les paysages américains (quel bonheur de voir de la neige dans un western), charge ses personnages d'une immense dignité, mais reste toujours "au niveau du sol", ne se laissant jamais entraîner vers le pompeux. Respect total donc pour cette fresque discrète, et pour cette pudeur qui éclate encore une fois à l'écran, même après 50 ans de bons et loyaux films au service de l'Histoire américaine.

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