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9 janvier 2010

Dancing de Patrick Mario Bernard, Xavier Brillat & Pierre Trividic - 2002

vlcsnap_2010_01_08_21h59m01s6Les films de Trividic et Bernard seraient-ils en passe de devenir MA découverte de ce début de décennie ? Mmm ? Le suspense est total, mais au vu de Dancing, et après L'Autre, j'ai bien l'impression que se cachent là deux authentiques génies. Ce film est extraordinaire, et on se demande bien pourquoi il est aussi peu connu. Audace, style, intelligence aussi bien dans le propos que dans la forme, c'est un choc à la hauteur de ceux qu'ont pu être Grandrieux ou Guiraudie, c'est-à-dire la découverte d'un cinéma différent, éminemment original et personnel, et d'un regard nouveau.

Dès les premiers plans, on est happé dans cet univers étrangissime : paysages de Bretagne solitaires, un homme qui s'y promène en baladant une petite figurine d'ours qu'il cherche à placer dans le décor. En parallèle, un autre homme qui lui ressemble, répond aux questions d'une journaliste. Le montage de ces deux séquences a priori sans rapport est épatant, plongeant immédiatement le film dans une sorte d'expérimentation "viscérale", pas du tout intellectuelle mais plutôt immédiate. On ne sait rien de ces gens, et pourtant on sent déjà toutevlcsnap_2010_01_08_20h44m59s123 la part de mystère qui va les gagner. On apprend que ces deux-là sont ensemble, l'un est plasticien (et prépare une bizarre expo sur les ours), l'autre cinéaste (et travaille sur les mondes parallèles). Toute la première partie, sans comporter clairement de plans "fantastiques", inquiète déjà, par ces cadres étranges, par ce rythme désaccordé qui est mis en place, par ce jeu naturaliste et pourtant décalé des acteurs. Le film est direct, sans mystère apparemment (les scènes de cul filmées directement, les dialogues quotidiens), mais il y a déjà cette part d'inquiétude, qui débouche au coin d'une scène sans prévenir : pourquoi le plasticien est-il attiré par cette image bizarre de deux hommes déguisés en petites filles ? Pourquoi cette insistance sur les outils de communication froids (internet, la télé) ? Pourquoi cette récurrence de plans sur un trou, sur une trappe, sur toutes les ouvertures possibles dans le décor ?

vlcsnap_2010_01_08_20h43m44s147Le genre fantastique déboule ainsi discrètement, par petites touches, jusqu'à envahir complètement la trame. Peu à peu, le plasticien est victime d'hallucinations : il voit une silhouette massive, celle d'un homme baraqué, sortir du sous-sol déguisé en fillette à petite robe et gros noeud. Les premières apparitions de la créature sont absolument terrorisantes, je n'avais pas eu peur comme ça depuis longtemps : c'est que les réalisateurs ont compris que la peur naît non seulement de l'illogique, mais surtout du rire, du clownesque, du burlesque. Cette masse musclée qui porte une jupette est ainsi burlesque, ridicule, et rendue d'autant plus glaçante. Quand elle apparaît enfin plein cadre, dans un plan extraordinairement surprenant, on en prend plein les yeux.

Cette fillette, c'est le plasticien lui-même confronté à son double. On retrouve le thème présent dans L'Autre, cette terreur qu'il y a à se confronter à soi-même. Comportement étrange, visage presque débile, le vlcsnap_2010_01_08_20h19m12s20double ne veut rien, ne dit rien, ne révèle rien : il n'est là que pour opposer un miroir dérisoire au personnage. Les scènes de cohabitation des deux gusses (lui et lui-même) sont parfaitement millimétrées effrayantes et drôles, filmées avec une grande intelligence (l'utilisation des contre-jour, la photo très réaliste opposée à des plans purement "laboratoire", cette façon de rendre angoissant le rien, cette musique contemporaine sans affect). On est littéralement immergés dans cette histoire, happé par le déroulement impeccable de l'écriture de Bernard et Trividic. On ne s'attendait certainement pas à se retrouver dans ce film fantastique, et les deux gars nous y plongent avec une finesse remarquable. Beaucoup de détails du film resteront inexpliqués (les ours, l'importance du dancing désaffecté, la présence d'un personnage kubrickien inquiétant lors du repas de Noël, et surtout cette fin prodigieuse que je ne dévoilerai pas), et c'est tant mieux : on quitte le film complètement bluffé par la précision de l'atmosphère, par l'originalité du regard et par cette terreur qui nous vlcsnap_2010_01_08_20h01m46s50est venue sans aucun effet concret à l'écran. Renseignements pris, Trividic et Bernard sont aussi les auteurs d'un documentaire sur Lovecraft : les rapports sont évidents. La peur côtoie le quotidien, le monde intérieur est fait de monstres enfantins et terribles, on frôle sans cesse la démence. Un immense film, qui donnerait presque envie de modifier légèrement le palmarès des meilleurs films 2000-2009...

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