Du Silence et des Ombres (To kill a Mockingbird) (1962) de Robert Mulligan

Que peut-on reprocher à cette adaptation du bouquin de Harper Lee ? Eh bien pas grand chose pour être honnête : la trame reste totalement fidèle à l'esprit du bouquin (se concentrant sur les jeux des enfants avides de découvertes avant de se focaliser sur le personnage d'Atticus, leur père, lors du procès), le noir et blanc signé Russel Harlan est absolument sublime, faisant ressortir les ombres comme jamais lors des nombreuses séquences nocturnes, le jeu des trois gamins (de la chtite Scout, garçon manqué intrépide, à Dill, un peu benêt mais toujours partant) et d'Atticus (énorme Gregory Peck, tout à l'économie, qui nous livre un Atticus d'une immense dignité) est à la limite de la perfection, quant à la musique de Bernstein, elle suit somptueusement tous les contours de l'intrigue, sachant mêler les petites mélodies pleines de légèreté aux accents plus dramatiques lorsque le mystère se fait soudainement plus sombre (magnifique composition musicale, notamment, lorsque les enfants s'approchent de la demeure de leur voisin reclu, Boo Radley - l'ombre immense de ce dernier qui se projette sur la façade de la maison est définitivement un grand moment qui résume à lui seul toute l'intrigue : pour apprendre, il faut parfois flirter avec la face sombre de l'humanité - mais l'on ne sait jamais d'avance de quoi il faut apprendre à se méfier...)

Ce récit d'apprentissage est parfaitement mené, la voix off de la narratrice s'effaçant très rapidement pour laisser la place aux dialogues entre les enfants, ne dénaturant jamais ainsi le ton si particulier du roman où l'innocence prédomine. Les deux gamins d'Atticus jouissent de toute leur liberté, mais l'on parvient parfaitement à ressentir à quel point ils ne sont point, pour autant, totalement livrés à eux-mêmes : dès la première apparition de Peck, on sent que ce type est un roc, que dis-je, une péninsule, d'une solidité et d'une sagesse à toute épreuve. Même si les gamins ont tendance à faire les quatre cents coups - mignonne séquence de Scout roulant dans son pneu avant de venir finir sa course au pied de la maison de ce voisin mystérieux : de la roue libre à l'effroi avant de retrouver la sécurité du foyer -, leur père, toujours à l'écoute, toujours posé, toujours prêt à fournir des explications, joue son rôle à merveille pour rasséréner en temps utile sa progéniture.

Mulligan sait zapper certaines séquences entières du roman (Scout et Jem, son frère, à l'église avec leur servante noire, le premier jour de Scout à l'école (beau raccourci en montrant uniquement la bagarre dans la cour de récré), le spectacle sur scène d'Halloween, les problèmes de Dill...) pour se concentrer, avec bonheur, sur les grandes scènes clé : l'abattement du chien enragé par Atticus (et la lueur de fierté qui cligne dans l'oeil de Jem plein de respect pour son pater), l'approche de cette maison mystérieuse déjà évoquée, Scout prenant la parole face aux hommes venus lyncher le noir en prison placé sous la protection d'Atticus (Ford n'aurait po fait mieux, clair), bien entendu, la séquence cruciale du procès durant laquelle on suit quasiment in extenso les déclarations de chacun des témoins, ou encore l'ultime séquence avec Jem et notre Scout déguisée en jambon rentrant chez eux après la fête d'Halloween... Le personnage "diabolique" d'Ewell fait des apparitions particulièrement menaçantes plusieurs fois au cours du récit et parvient parfaitement à instaurer sporadiquement une tension au sein de cette petite ville si tranquille en apparence... Mais le véritable mal se cache bien sûr derrière les apparences... Bref du très beau boulot du gars Mulligan (who?) sous la houlette d'Alan J. Pakula, producteur de cette impeccable adaptation. C'est assez rare pour le noter et s'en repaître. (Shang 03/01/10)          

Comments

[Patti Mitch]

Bon.