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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
14 janvier 2021

Les Ailes (Wings) (1927) de William A. Wellman

Nom de Dieu, voilà du film de guerre où chacun des douze mille figurants est un cascadeur en puissance - et pas un pixel animé -, où les prises de vue aériennes sont faites à la main, embarqué sur l'avion ou accroché à la ceinture d'un parachutiste au péril de sa vie. Vous voulez votre lot de combat aérien (on atteint à un esthétisme quasi abstrait avec ces petits points noirs enflammés qui tourbillonnent parmi ces gros nuages blancs menaçants), d'histoire d'amitié couillue (on ne m'enlèvera point de l'esprit, ceci dit, que la scène finale entre les deux hommes est terriblement gay - malgré la gravité de la situation - mais c'était une autre époque, vi), de romance "à la vie à la mort"...? Pas de doute c'est ce Wings qu'il vous faut, une épopée muette de deux heures vingt qui vous remplit votre après midi comme une bonne choucroute son alsacien. Bref, un truc qui plane haut.

Bow__Clara__Wings__01

Jack Powell (Charles Rogers, un look moderne (oui, bon...)) est un fou d'engin à moteur et la chtite Mary (Clara Bow et sa coupe à la garçonne) n'a d'yeux de biche que pour lui. Mais le Jack, lui, convoite Sylvia, bien que celle-ci ne rêve d'être que dans les bras du richissime beau gosse du coin David (Richard Arlen, le physique qu'il faut). Mais la guerre ne tarde point à sonner, mince alors, et les deux hommes se retrouvent fissa côte à côte lors des entraînements. Ils savent qu'il y a une Sylvia entre eux et ne tardent point à se retrouver face à face, à se faire des bourre-pif. Pas rancuniers, ce combat les rapproche et ils deviennent dorénavant les meilleurs amis du monde, s'épaulant dans les airs, face aux redoutables teutons. Ca tire dans tous les coins, ça fume, parfois ça casse, les combats aériens sont parfaitement montés et les atterrissages forcés avec écrasement de nez d'avion vous laissent pantois d'admiration. Nos deux hommes ne tardent point à devenir des héros et de se retrouver dans le gay Paris à traquer les gorettes. Wellman ne cesse pour autant de nous gratifier de plans "aériens" de toute beauté, avec notamment ce merveilleux travelling avant au dessus des tables qui nous mène tout droit sur un Jack festif. Celui-ci, bourré comme un coing polonais, ne peut s'empêcher de voir de petites bulles de champagne s'envoler dans les airs, avant de faire une véritable fixette sur les bulles... Il est tellement fait qu'il ne reconnaît même pas Mary, infirmière engagée, qui essaie de l'arracher des bras de sa poulette. Elle parvient à le traîner dans sa chambre mais l'autre s'écroule comme une masse - l'alcool, c'est mal... Nous, on aura droit tout de même au dos nu de Clara Bow et on s'en contentera. Mais ce repos du guerrier est de courte durée, c'est déjà l'heure de l'attaque finale et nos deux hommes de remonter dans leur avion après avoir eu un différend : David sait parfaitement qu'il a toutes les faveurs de Sylvia mais comme il sent son heure venir (et qu'il aime son pote), il ne veut point faire de la peine à Jack... Ce dernier se méprend sur son attitude et les deux hommes vont se retrouver lors d'un final haletant curieusement "face à face" - à terre, les combattants, eux, meurent par grappe, dans les airs Jack se sent pousser des ailes, invincible face à l'ennemi... Et si jamais il s'enivrait un peu trop, notre ami, hein...   

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C'est du grand spectacle vintage avec en plus sa dose d'amitié virile parfaitement menée. Wellman est loin de sacrifier les séquences terrestres au profit du délire des cieux et parvient à nous rendre attachants ces deux hommes taillés dans de l'airain, sans jamais filmer l'ensemble par dessus la jambe - montage rondement mené, prise de vue sous tous les angles (gros plan en caméra subjective, travelling à cent douze à l'heure, caméra embarqué sur ma balancelle...) en tentant toujours de faire sens. Bref, on ne voit pas filer les deux heures avec en plus, petite cerise sur le gâteau, une séquence avec un Gary Cooper tout jeunot, avé la mèche devant un oeil pour faire genre : il fait son papa avec les deux nouvelles recrues, prend son avion, fait un looping et s'écrase : rien à dire, le type parvient à marquer les esprits, sa carrière peut dignement commencer. De l'action grandeur nature, de l'émotion à hauteur d'homme, un état d'esprit qui vole haut (hommage est rendu au sens de la "chevalerie aérienne" de l'ennemi - bravo -), une Clara Bow toute pimpante, de l'esthétisme haut de gamme, faudrait vraiment être un con de passionné de tanks (mais y'en a, cela dit, aussi) pour s'en priver. He likes the wings... (roh, c'est Noël, ça va)   (Shang - 29/12/09)

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Ah ça envoie du gasoil, aucun doute, on est là face à un grand film de cette époque, Hollywood dans toute sa splendeur. Du spectacle, de la patrie offensée, de la précision technique, du glamour, des héros positifs et des héroïnes sacrifiées, des combats d'avions en plein ciel, du drame intime, de l'humour bon enfant, on aurait tort de se plaindre. Wellman, dans son rôle de vétéran, d'aventurier et d'inventeur de cinéma, ose tout et tout est payant. En vétéran, il sert une fresque patriotique qui rend bien compte de l’ampleur de la guerre, malgré les exagérations héroïques. Dans la description des techniques d'aviation, filmées in situ, aussi bien que dans les grands tableaux de tranchées, on sent toute la véracité du film, qui privilégie les champs très larges, les vastes reconstitutions qui donnent froid dans le dos. Ça tombe comme à Gravelotte, ça explose à tous les coins de champs de bataille, ça part en piquet dans le ciel azuré, on reste bouche bée devant la vision très spectaculaire et très réaliste de la guerre et de ses combats. Et on admire le sens de la vérité chez Wellman, on sent bien que la moindre imprécision technique n'a pas sa place dans le film.

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En aventurier, il est tout aussi pertinent : son film est saturé de moments de bravoure, de péripéties spectaculaires, tournant autour de ces deux amis à la vie à la mort, rivaux en amour mais solidaires dans les airs. Il y a aussi la petite Mary, victime sacrifiée du film, qui aime en secret un homme insensible à ses charmes. Il y a surtout toute une mythologie de la guerre, un peu dépassée aujourd'hui mais pourtant très cinégénique, un code d'honneur disparu depuis, un sens de l'humain qui fait chaud au cœur et qui évite au film de n’être qu'une grande fresque historique à grands frais.

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En homme de cinéma, enfin, il montre tout son talent pour filmer cette histoire. Si certaines séquences trainent en longueur (le type bourré qui voit des bulles partout, bof), certains mouvements d'appareil sont prodigieux, comme ce travelling avant le long des tables des fêtards, ou cette magnifique alternance de gros plans et de plans généraux, de plans intimes et de plans historiques en quelque sorte, sur la mort d'un des deux amis, superbe entrée de la plus petite histoire dans la plus grande. Wellman jongle avec talent entre comédie (tout le début) et tragédie (la guerre), et sert le film ultime de ces années-là sur le sens du sacrifice et les horreurs des conflits. Rassasié, oui.    (Gols - 14/01/21)

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Commentaires
B
Ah non. Moi j’aime tout !<br /> <br /> Y compris – et même surtout – le passage du mec beurré qui compte ses bulles... c’est super beau, super poétique.<br /> <br /> Des digressions comme ça font tout le sel de Wellman.<br /> <br /> ...et le pamplemousse que Cagney envoie dans la binette de Mae Clarke dans Public Enemy, vous allez bientôt dire que c’est de la misogynie de bas étage ?!!
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