[Rec] 2 de Jaume Balaguerò et Paco Plaza - 2008
J'avoue qu'avec le recul, le premier Rec me reste comme un plutôt bon souvenir. Mélange donc d'impatience et de forts doutes concernant cette suite. Résultat : c'est franchement pas mal. Bon, attention, hein, n'allez pas croire que, et ne me faites pas dire : Rec 2 est encore plus con que son prédecesseur, encore plus mal joué si c'est possible, et ne donne pas les frissons brutaux du premier opus. On s'ennuie une grande partie du temps, et ce ne sont pas les piètres tentatives des scénaristes pour tenter de mettre de la logique là-dedans qui rajoutent un quelconque intérêt. Convaincus qu'il faut expliquer l'inexplicable (alors que c'est justement ce qu'on ne comprend pas qui fait le plus peur, arrêtez-moi si je me trompe), les compères inventent une improbable explication mystique à l'envoûtement des zombies : oui, mais c'est le diable qui a investi ces corps, rien à voir avec un virus, cherchez pas. C'est ridicule, ça marque un retour au pire de la production Z des années 80 (L'Exorciste, La Malédiction), et ça enlève au film toute sa terreur. On était bien plus marqué par ces fous sanguinolents qui se jetaient sur la caméra sans raison que par ces possédés dôtés cette fois d'une voix, voire de quelques étincelles d'intelligence (le Malin papote pas mal avec le curé par l'intermédiaire de ses zombies). Ceci dit, ça donne aussi un personnage assez marrant dans ses caricatures, un curé vieille école armé de crucifix, qui va d'ailleurs se retaper une scène de L'Exorciste : à la question "où est passée la petite file, immonde suppôt de satan gluant ?", le zombie lui répond taquinement "Dans la chatte de ta mère", ce qui dénote un sens de la répartie indéniable. Et le curé de renchérir, fatigué : "Ca ne marche plus, ça..." Mais bon, autant le dire : le scénario est nul.
Bon, mais ce qu'il y a de plus intéressant là-dedans tient tout simplement à la mise en scène. Balaguero et Plaza ont eu l'intelligence de sentir qu'il ne fallait pas refaire Rec à l'identique. Assez courageusement, ils balancent donc aux orties le temps réel et l'unicité du point de vue. Rec 2 est un montage, avec flashs-backs et variations des regards. L'image télé y est remplacée par une esthétique de plus en plus "jeu vidéo", et par les images "objectives" d'une poignée de soldats. Ce n'est sûrement pas assez exploité, mais il y a quand même là-dedans un renouvellement dans la façon de nous donner à suivre cette histoire qu'il faut noter : le fait qu'il y ait plusieurs caméras permet aux réalisateurs d'alterner les "sensibilités" des filmeurs, depuis le premier soldat imperturbable cadrant sec aux ados amateurs terrifiés qui livrent des images quasi-abstraites tant elles bougent dans tous les sens. En plus de ce grand retour en arrière habile à la moitié du film, qui nous fait revoir les mêmes scènes d'un autre point de vue (bonjour, Brian de Palma), il y a cette foule de petits écrans incrustés dans les grands, comme autant de filmeurs potentiellement victimes. Comme les caméras sont accrochées aux casques des soldats, le cadre devient un espace dangereux, vulnérable (la tête du personnage, et donc la nôtre) ; quand les monstres attaquent, c'est directement le cadre, directement la tête. Ca donne encore quelques fulgurances très frontales, des jets de violence qui strient l'écran avec une rapidité folle. C'est osé, mais j'ose : on dirait parfois du Bacon ; quelques traces rougeâtres, de vagues formes hurlantes, des traits, de l'obscurité, du mouvement, voilà ce qui fait l'essentiel du film. On ne distingue pas grand-chose, et c'est bien mieux que si on nous avait tout montré. Dommage que les scènes plus calmes, celles de dialogues, viennent anéantir ces efforts : trop propres, cadrées en professionnel, elles sont peu crédibles dans ce scénario infernal. Balaguero n'arrive pas encore à se détacher complètement du cinéma-vérité, mais il y vient, et on peut être sûr que l'opus 3 le verra abandonner cette fausse bonne idée, tant mieux. Moi, j'ai confiance.