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13 décembre 2009

Judge Priest de John Ford - 1934

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Encore une parenthèse enchantée dans l'oeuvre du grand Ford, encore un détour charmant dans l'Amérique profonde, ses autochtones pittoresques, son bon sens atavique et ses mini-drames du quotidien. pas de doute, le gars John sait filmer les gens, les plus simples étant souvent sous sa caméra les plus nobles. La galerie de portraits est parfaite, depuis le juge humaniste chargé d'un bégaiement qui le rend tout touchant jusqu'à son fiston à peine pubère tourmenté par ses amourettes, depuis le vieux briscard qui crache des glaviots gros comme des lacs dans le chapeau des bourgeois jusqu'au serviteur black simple d'esprit. Les acteurs sont impeccables, drôles à souhait, sachant tous doter leur personnage de ces petits détails qui font la vérité d'un caractère, ce qui fait que la communauté colorée que Ford met en place a la saveur des contes, des souvenirs d'enfance, tout en restant crédible.

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Naïveté et simplicité sont les maîtres-mots de Judge Priest : la ruralité y est envisagée comme un monde disparu, magnifiquement éclairé et cadré par la caméra d'un Ford qu'on sent ému devant ce minuscule quotidien fait d'engueulades autour d'une partie de croquet, d'amourettes entre voisins et de fêtes tonitruantes. Il y a du Capra là-dedans, dans cette façon de rendre jolis à croquer la moindre situation, la moindre atmosphère, le moindre petit coin de décor. Surtout, Ford traite à égalité de traitement Blancs et Noirs dans ce film qui se situe dans le Sud juste après la guerre de Sécession ; certes, nos amis Blacks ne sont pas des intellectuels (la mama qui passe son temps à chanter des airs de gospel, l'idiot du village tout guedin), mais la communauté des esclaves est regardée avec beaucoup de tendresse et d'intérêt, et le héros, blanc, n'hésite pas à pousser la chansonnette avec eux, gagnant ainsi ses galons de démocrate. Quant au monde des vieilles filles, des bourgeois et des arrivistes politiques, il est certes caricaturé à mort, mais il est source de très bons gags parfois relativement irrévérencieux (le garçon barbier et son rire à la con, l'emphase poujadiste et nationaliste du procureur candidat aux élections, le retournement de veste de la commère quand la situation l'exige).

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On peut bien sûr reprocher au scénariste une vision de la Justice franchement discutable : un accusé est innocenté à grands coups de mise en scène (on fait jouer "Dixie" par un orchestre dans la rue pendant le procès pour réveiller le sentiment patriotique des jurés), de dignité guerrière et de bon sens réactionnaire. En gros, à partir du moment où vous vous êtes battus au côtés des Sudistes, vous êtes acquitté, ce qui n'est pas tout à fait un bel exemple d'une justice objective. Mais on ne change pas un Ford au bout de 80 films (eh oui, déjà, en 1934...) : on sait qu'il n'est pas un grand intellectuel politique, et qu'il préfère les grandes bourrades dans le dos à la réflexion ; c'est pourquoi on apprécie cette vision douteuse de la loi, en tout cas on la lui pardonne, et on se laisse aller au simple bonheur de ce film bon-enfant et lumineux, sans chercher midi à 14 heures. On est contents que les gentils gagnent, même aussi putassièrement, et on ressort avec la banane.

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