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Shangols
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13 décembre 2012

Les Proscrits (Berg-Ejvind och hans hustru) (1918) de Victor Sjöström

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Bien beau film du père Sjöström qui nous démontre qu'il n'est pas forcément évident de vivre d'amour et d'eau fraîche en Islande au XVIIIème siècle. Victor campe le personnage principal, Kari, un type à la recherche d'une seconde chance, qui va rencontrer une veuve, Halla, exploitante d'un petit domaine. Accusé par le beau-frère d'Halla d'être un ancien hors-la-loi, Kari et Halla vont partir vivre en pleine nature, troisième personnage principal de l'histoire, comme nous l'indique gentiment, au début, un petit carton. Le cinéaste va en effet faire la part belle à ces paysages sublimes mais rugueux pour nous conter l'histoire de Kari et d'Halla qui va aller de Charybde en Scylla - c'était tentant...

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C'est tout un folklore enfoui que le cinéaste nous fait découvrir : la vie campagnarde auprès des moutons et ces journées festives où les hommes se lancent l'oeil chafouin dans une sorte de lutte où il faut jeter l'adversaire cul par dessus tête - un genre de slow ultra viril. C'est d'ailleurs ainsi que le problème entre Kari et son accusateur (le beauf d'Halla qui a des visions sur elle), doit se régler : celui-ci traite Kari de voleur, Kari le traite à son tour de menteur, et Halla de mettre de l'huile sur le feu en traitant son beauf de lâche. Un combat un peu déséquilibré s'engage - le beauf est taillé comme Raymond Barre, Kari affûté comme de Villepin, et Raymond de finir par mordre le lichen... Kari finira par avouer à Halla, que, oui, bon, c'est vrai, il a été condamné auparavant à dix ans de prison pour avoir volé un mouton : il voulait juste nourrir sa famille. Il est parvenu à s'échapper, a pu vivre paisiblement une poignée de jours mais doit à nouveau mettre les bouts. Comme Halla l'aime (c'est l'hallali), elle décide de le suivre et de tout abandonner pour aller vivre dans la cambrousse... C'est beau l'amour. On les retrouve quelques années plus tard avec un angelot tout blond dans ce paysage sauvage : pitons rocheux (Kari est d'ailleurs à deux doigts de faire tomber son gamin dans le ravin, en faisant le malin au sommet de ce gros roc), geysers (genre de douche chaude incontrôlable), rivière et lac à perte de vue, coucher de soleil mauve - on dirait presque du Benjamin Biolay. On vit de saumons, de tourterelles égarées ou de cygnes (ou d'oies, j'ai pas l'oeil), bref une vie en complète harmonie avec la nature. Ils reçoivent la visite d'une de leurs anciennes connaissances, qui ne va pas tarder à lorgner sur Halla. Il est tout près de non-assistance à personne en danger lorsqu'il hésite à aider Kari qui s'est vautré dans le ravin - celui-ci s'accroche fébrilement à une branche, le grand moment de suspense du film. Finalement leur pote décidera de les laisser en paix, mais nos deux amoureux et leur bambin seront dans la foulée retrouvés par le beauf et d'autres types pugnaces de la ferme ; la mère fera alors un geste inqualifiable à côté duquel la main de Thierry Henry compte pour du beurre... Ce sera le début d'une longue errance pour nos deux amoureux vieillissants qui auront à subir des hivers de plus en plus rudes... Le froid, la faim, pas de télé, c'est plutôt mal embouché.

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Du vrai mélodrame, certes, mais également plein de petits moments joyeux au passage, du temps où notre couple s'ébroue en ces terres rocailleuses mais zen. Sjöström a le don de la belle image et nous livre plusieurs prises de vue absolument superbes : le piton rocheux qui se découpe sur le ciel, les lacs à l'infini, ces cascades qui explosent de joie, ce magnifique plan sur les chevaux dans la neige, au premier plan, alors qu'un homme (l'ami du couple), au second, court sur la crête de la montagne, sans parler d'un final où les éléments se déchaînent et qui annonce dix ans en avance la séquence inoubliable du Vent. Pas facile d'être proscrits - nan, bien vrai -, et ce rejet de la communauté sonne comme un arrêt de mort pour notre couple : la nature est certes accueillante, mais peut se révéler tout autant destructrice, bonnes gens - enfin surtout sous ces latitudes, si on compare à la Provence par exemple... C'est tour à tour tranquillement champêtre ou violemment passionné, comme le calme avant la tempête ou les sentiments des êtres ("l'amour peut provoquer le bonheur mais aussi la haine" rappelle malicieusement un carton), et Sjöström réussit une nouvelle fois à nous immerger totalement dans ce récit d'un autre âge.   (Shang - 24/11/09)

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Oui oui, c'est bien joli, on est d'accord, mais il s'avère que j'ai regardé ça d'un oeil un peu morne. Tout ce que dit mon compère est parfaitement juste, l'exaltation de la nature hostile et sauvage est bien là, et joliment, et on apprécie particulièrement cette deuxième moitié de film grâce à cette façon qu'a Sjöström d'arrêter sa trame et de ne se livrer qu'à la simple contemplation émerveillée de son Islande chérie. Mais, je ne sais pas, trop de cartons, des personnages un peu grossiers et peu sympathiques, une trame cousue de fil blanc, quelques gros défauts de rythme, des séquences trop courtes pour vraiment nous emporter (celle en flash-back où le héros raconte sa misère aurait mérité un développement à la Andersen, m'est avis) : le fait est que je ne suis que moyennement emballé par la chose. C'est tout ce que j'ai à dire, je sais, c'est peu.   (Gols - 13/12/12)

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